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Entrées de ville et panneaux publicitaires
Après bientôt trois décennies de mise en oeuvre, la loi du 29 décembre 1979 affiche un bilan nuancé : la pression publicitaire continue d'entamer la protection des paysages, en particulier en raison des pré-enseignes dérogatoires, ces panneaux de 1,50 m de long qui se multiplient aux entrées de ville, et des enseignes scellées sur les aires des grandes surfaces, qui ne sont soumises à aucune déclaration préalable.
D'après Pierre-Jean Delahousse, vice-président de Paysages de France, association qui milite activement pour un strict encadrement de l'affichage publicitaire et assiste les communes d'un point de vue juridique, la propension des syndicats de la publicité est de violer systématiquement le code de l'environnement et d'attaquer les règlements locaux dont les communes peuvent se doter.
Aujourd'hui encore, de nombreux préfets refusent de donner suite aux demandes de Paysages de France et font ainsi preuve de complicité avec les auteurs d'infractions, parfois de nature délictuelle. Selon l'association, c'est le cas notamment de Paul-Henri Trollé, préfet du Val-d'Oise, de François Philizot, préfet du Tarn, mais également des préfets de la Seine-et-Marne, de l'Essonne, de l'Isère, des Côtes-d'Armor, du Gard, des Alpes-de-Haute-Provence, du Cher, de l'Aisne... Le 5 juin 2008 sur LCI, la secrétaire d'État chargée de l'Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet avait dénoncé la pression exercée par les afficheurs sur les élus et un vrai problème de sensibilisation au niveau des préfecture, en expliquant que c'est très difficile d'obtenir des procès verbaux […], et même quand il y a des procès verbaux, c'est très difficile derrière d'obtenir le démontage, donc à tous les niveaux ça bloque.
Absence de sanctions
En effet, cette réglementation nécessite, du fait de sa complexité, des agents formés et dédiés tant à l'élaboration des règlements locaux qu'à l'exercice de la police, qui constitue un point majeur de l'efficience de l'ensemble du dispositif. Le président de l'Union de la publicité extérieure (UPE), Stéphane Dottelonde, s'en étonne lui-même : on peut toujours durcir la règle. Le vrai problème, c'est de faire respecter la police de l'affichage. S'il n'y a pas d'efforts en la matière, il ne se passera rien. Tout le monde connaît pourtant les points noirs, qu'il s'agisse de la RN 20, dans la circonscription de Nathalie Kosciusko-Morizet, ou dans la communauté urbaine de Toulon. Il faudrait lancer une opération emblématique de police de l'affichage.
Décentralisation, démocratisation et sanctions devraient être les maîtres mots de la réforme. De fait, la loi de 1979 est antérieure aux lois de décentralisation et demeure largement sous la responsabilité de l'Etat, alors que les autorités en charge des règlements locaux sont décentralisées, ce qui en complexifie la mise en oeuvre. Le président de l'UPE plaide en faveur d'une adaptation de la loi au profit des maires afin d'alléger le dispositif : un seul chef de file clarifiera les responsabilités.
Reste à améliorer la démocratisation afin de renforcer la représentation associative dans les groupes de travail. Nous ne sommes pas hostiles à ce que toutes les parties prenantes soient associées à l'élaboration de cette réglementation. Mais à ce moment là, il faudrait que les bailleurs, les annonceurs, les syndicats aient autant voix au chapitre que les associations environnementales, déclare le président de l'UPE, sur le modèle des parties prenantes du Grenelle de l'environnement. Ce qui sous-entend, que Paysages de France voie sa position et sa force de frappe relativisées : L'élaboration de cette réglementation ne s'arrête pas au président de Paysages de France, explique M. Dottelonde...
La guerre est ouverte entre l'industrie de la publicité extérieure et les défenseurs du paysage. Cet âpre débat fera l'objet de trois réunions de travail entre les diverses parties prenantes d'ici fin mars 2009, afin de préparer un dispositif, dans la loi Grenelle 2, ayant vocation à renforcer le rôle des élus et des associations environnementales dans la procédure d'élaboration des règlements locaux.