Le fort développement des énergies renouvelables d'un côté et l'électrification des usages de l'autre, qui va entraîner une hausse de la demande d'électricité, vont considérablement faire évoluer le système électrique, basé essentiellement aujourd'hui sur des modes de production pilotables. Dans deux avis d'expert, publiés le 14 mars, l'Ademe évalue les besoins futurs.
« Les modélisations portant sur l'équilibrage du système électrique à l'échéance 2050 de différents scénarios prospectifs (Ademe, RTE, ENTSOE (1) , etc.) montrent que le stockage jouera un rôle dont la part dépendra essentiellement de l'amélioration de la flexibilité de la demande », souligne l'Ademe. En effet, d'ici à 2040, le système électrique aura besoin de moyens de stockage intersaisonnier. En revanche, le stockage journalier sera « en forte compétition avec la flexibilité de la demande » qui permet de décaler massivement certains usages, comme les ballons d'eau chaude, les véhicules électriques, et peut être déployée rapidement et à moindre coût. L'Ademe plaide donc pour un plan de déploiement des solutions de flexibilité, comme l'a fait récemment l'association professionnelle Think Smartgrids.
Des besoins de certains de stockage intersaisonnier à l'horizon 2040
L'Ademe estime en effet que le développement important de l'éolien et du photovoltaïque dans le système électrique ne s'accompagnera pas forcément d'une hausse des besoins en stockage. Selon les modélisations réalisées, au moins 76 % de la production photovoltaïque et 86 % de la production éolienne à 2050 seront consommées directement au moment où elles seront produites. Foisonnement de la production, interconnexions et flexibilité de la demande permettent d'absorber la majeure partie de ces productions. Contrairement aux idées reçues, donc, un mix fortement renouvelable ne nécessitera pas forcément plus de moyens de stockage que le mix actuel, il augmentera surtout les temporalités de stockage, de l'échelle infra-horaire à intersaisonnière, souligne l'Ademe.
Les besoins en stockage journaliers pourront être limités par le développement de la flexibilité de la demande, martèle l'Ademe, qui estime nécessaire l'élaboration d'une feuille de route pour le déploiement de ces solutions. Dans le cas contraire, « la rapidité d'installation de batteries stationnaires (…) pourra sécuriser les besoins de stockage journalier ».
Pour le stockage intersaisonnier, dont le système ne devrait pas avoir besoin avant 2040, l'Ademe estime les besoins « plus que certains » pour l'équilibrage du réseau, notamment pour répondre aux pics de consommation, et préconise donc de les anticiper. D'autant que, si plusieurs solutions power-to-gas-to-power existent, avec du méthane ou de l'hydrogène, la seconde pourrait être freinée par le gisement limité de stockage géologique (10 térawattheures en 2050). « En l'état des connaissances actuel, développer les stockages géologiques d'hydrogène prioritairement pour s'adapter aux besoins de l'industrie et s'appuyer sur les stockages géologiques de gaz existants pour soutenir l'offre d'électricité semble l'option la plus résiliente », estime l'Ademe.
Le développement de stations de pompage turbinage (Step) « dans la limite du gisement identifié » (2 à 3 GW à 2050) est, quant à lui, jugé « sans regret ». Idem pour le stockage thermique sensible (chaleur et froid) qui permettrait de réduire ou décaler des pics de consommation d'électricité, dans le secteur industriel notamment, et/ou d'effacer des consommations fossiles dans les réseaux de chaleur et de froid.
Flexibilité de la demande : mobiliser tous les échelons
L'Ademe estime les besoins en «
Or, si la flexibilité de la demande a beaucoup été développée dans les années 1980 (offres EJP, Tempo), elle reste « mal appréhendée par les acteurs de la filière et les consommateurs ». Le potentiel touche pourtant tous les secteurs. Le pilotage du chauffage électrique dans le résidentiel représente 40 % de la puissance de pointe à l'échelle nationale (35 GW). Le gisement technique d'effacement de l'industrie et du tertiaire est estimé entre 6,5 et 9,5 GW. En 2035, les véhicules électriques pourraient représenter une consommation journalière de 100 gigawattheures (GWh), qu'il sera « nécessaire de piloter pour la placer au bon moment », notamment lorsque la production photovoltaïque sera la plus forte.
Comme pour le stockage, la flexibilité doit répondre à des échelles de temps variées (intersaisonnières, interjournalières…). L'Ademe propose donc un plan de déploiement en trois axes, pour développer les solutions de pilotage des consommations et des productions, une ouverture du marché pour permettre l'émergence de nouvelles offres et un programme de R&D pour développer de nouvelles solutions de flexibilité et d'optimisation. Cela passe par l'évolution des tarifications de l'énergie (flexibilité implicite), l'opérabilité des outils de gestion de l'énergie, des incitations tarifaires ou signaux-prix, des rémunérations définies en fonction du service rendu au réseau… L'Ademe propose notamment de rendre obligatoire les solutions de pilotage automatisées pour les usages très contributeurs à la pointe électrique (mobilité électrique et pompes à chaleur).