En fin de compte, il semble s'agir, pour la filière solaire, d'une sorte de victoire à la Pyrrhus. Le 27 janvier, le Conseil d'État a rendu sa décision (1) sur la requête au fond à l'égard du décret et de l'arrêté du 26 octobre 2021 révisant à la baisse le niveau tarifaire d'environ 850 contrats solaires. La Haute Juridiction administrative a exigé l'annulation de l'arrêté, face à son « illégalité » au regard de la règlementation européenne, mais n'est pas revenue sur le décret.
Récit d'une bataille économique et juridique
Cette requête, sollicitée par un premier recours déposé fin novembre 2021 par trois associations représentant la filière solaire (Enerplan, Solidarité renouvelables et le Syndicat des énergies renouvelables) et un second par deux sociétés d'exploitation (Bovi-ER et Pepigreen), visait à annuler ces deux textes « mettant en danger la filière ». Ces derniers, prévus par l'article 225 de la loi de finances 2021, modifient les conditions des contrats avec tarif d'achat, dits « S06 à S10 », signés initialement sur vingt ans par l'État entre 2006 et 2010 pour des installations photovoltaïques et thermodynamiques d'une puissance supérieure à 250 kilowatts-crête (kWc). Le but étant, pour l'État, de réaliser ainsi une économie de 300 à 400 millions d'euros par an, estimant que la filière était arrivée suffisamment à maturité pour subsister sans un tel soutien.
Une « petite » victoire ?
La raison unique pour laquelle le Conseil d'État a décidé d'annuler l'arrêté de 2021 n'est pas de nature à le remettre véritablement en question. D'après la Haute Juridiction, l'État n'a pas respecté la réglementation européenne qui l'oblige à notifier la Commission européenne pour la délivrance d'un régime d'aide d'État. L'arrêté de 2021 n'échappait pas à cette règle puisqu'il modifie des arrêtés tarifaires de 2006 et de 2010, fixant les conditions de l'obligation d'achat par l'État de l'électricité produite par des installations photovoltaïques. Considérés comme des aides, ils devaient faire l'objet de cette notification. L'État, pointent les conseillers du Palais-Royal, a failli à notifier le présent arrêté à la Commission européenne. « Le défaut de notification du régime d'aide mis en place par cet arrêté, qui institue une aide nouvelle au sens de l'article 1er du règlement du 13 juillet 2015 [du Conseil de l'Union européenne sur les règles de procédure dans le domaine des aides d'État], l'entache d'une illégalité de nature à en entraîner l'annulation », en conclut le Conseil d'État.
La révision tarifaire s'en retrouve donc désormais annulée. Mais si les anciennes conditions contractuelles de 2006 et de 2010 s'appliquent de nouveau, rien n'indique que la situation demeure longtemps ainsi. En 2013, l'État a eu les mêmes déboires avec un arrêté tarifaire ciblant des contrats éoliens, annulé pour ce même manque de notification à l'échelle européenne. Il lui avait suffi, en juin 2014, d'en publier un nouveau, validé cette fois par l'exécutif européen. Tout porte à croire que l'histoire va se répéter pour le solaire. Les trois organisations professionnelles concernées ont toutefois déclaré en « prendre acte » et s'apprêter à « analyser les impacts de [cette décision] pour les producteurs concernés et pour la filière ». Contactées par Actu-Environnement, elles n'ont pas souhaité s'exprimer davantage pour l'instant. D'autant que les arguments de la filière solaire contre le décret ont tous été écartés.
S'agissant du décret, le Conseil d'État a par exemple jugé que, contrairement à ce que le SER, Enerplan et Solidarité renouvelables avançaient, « les critères permettant d'apprécier la viabilité économique du producteur sont définis de manière suffisamment précise » par le décret. En outre, « la seule circonstance que le décret attaqué institue un tarif minimal en sus du mécanisme de la clause de sauvegarde et qu'il ne définirait pas certaines notions telles celle "d'installation performante représentative" ne saurait suffire à regarder les dispositions en cause comme insuffisamment claires et intelligibles ». Enfin, il estime, par ailleurs, que « si les requérants font valoir que le tarif minimal ne couvre pas les charges financières et les investissements, il ressort des pièces des dossiers qu'un tel tarif a été institué afin d'assurer une marge pour les installations totalement amorties et déjà payées, lesquelles, faute d'un tel tarif, auraient été exposées à un tarif de rachat nul ».