La Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) a engagé une nouvelle révision du coup de pouce des certificats d'économies d'énergie (CEE) pour la rénovation énergétique globale des maisons individuelles et des logements collectifs. Un arrêté est paru au Journal officiel le 1er juillet 2023 afin de lutter contre les fraudes. « Cette nouvelle révision du coup de pouce témoigne des difficultés de l'administration à lutter contre les fraudes à la rénovation globale. Les soupçons d'antidatage de pièces sur l'ancienne version du coup de pouce avaient conduit la DGEC à réaliser une enquête flash en septembre dernier », souligne le groupe Effy, délégataire de CEE.
Un écrêtement du montant des primes
Cette nouvelle version du coup de pouce doit s'appliquer aux opérations engagées dès le 1er août 2023 pour la fiche d'opérations standardisées BAR-TH-164 « Rénovation globale d'une maison individuelle ». Pour la fiche BAR-TH-145 « Rénovation globale d'un bâtiment résidentiel collectif », en vigueur au 31 juillet 2023, une dérogation est accordée : elle peut être appliquée aux opérations engagées avant le 1er janvier 2025, précise l'arrêté. Les bonifications des deux nouvelles fiches s'appliquent aussi aux opérations incluses dans un dossier de demande de CEE déposé à compter du 1er août 2024. Pour les deux fiches, seront bonifiées les opérations engagées jusqu'au 31 décembre 2025 et achevées au plus tard le 31 décembre 2026, pour lesquelles le demandeur est signataire des chartes d'engagement des deux coups de pouce.
Ce texte prévoit d'écrêter le montant des primes, de limiter les modalités de calcul de la surface habitable du logement face aux dérives et d'interdire les liens capitalistiques entre l'auditeur énergétique et les entreprises réalisant les travaux.
Ainsi, dans le cadre de ce coup de pouce, le volume de CEE pour la maison individuelle et de chaque logement collectif ne pourra pas dépasser 3 850 mégawattheures cumulés et actualisés (MWhc), ce qui correspond à 25.000 euros de prime (pour une valorisation du cours du CEE à 6,50 euros). L'arrêté impose aussi une limite du volume de CEE par mètre carré de surface habitable de 23,1 MWhc/m², soit environ 150 €/m².
Recours à l'audit énergétique réglementaire
L'arrêté prend en compte désormais, pour les deux fiches, l'audit énergétique réglementaire, à l'exception des copropriétés. La réalisation de cet audit est notamment obligatoire, depuis le 1er avril 2023, pour la vente d'une maison ou d'une monopropriété « passoire thermique » étiquetée F ou G au diagnostic de performance énergétique (DPE). Désormais, cet audit donne droit à la prime coup de pouce. Il est également opposable juridiquement au même titre que le DPE, de la même manière que les préconisations de travaux qu'il contient. Mais ces préconisations doivent permettre d'atteindre 55 % d'économies d'énergie pour bénéficier du coup de pouce pour la maison et 35 % d'économies pour les logements collectifs. Pour rappel, dans le cadre de la fiche BAR-TH-164 pour la maison, seul l'audit énergétique incitatif était auparavant valable mais n'est, en revanche, pas opposable.
Critiques sur le délai du dépôt des demandes de CEE
« On a pu constater énormément de dossiers antidatés sur la version deux de la charte actuelle coup de pouce. En mars 2023, on a même vu arriver 50 térawattheures de fiches CEE rénovation globale issues de la première version de la charte coup pouce de 2021, qui est la plus rémunératrice et beaucoup moins regardante en termes d'audits ou de contrôles. Malheureusement, dans ce nouveau texte, les dates de dépôt sont restées à un an et ce nouvel arrêté ne cicatrise pas la plaie dont l'origine première sont les mauvaises/fausses déclarations dans le cadre des audits, avec des valeurs surdimensionnées », pointe-t-elle également.
Oussama Djeddi, cofondateur du bureau de contrôle Spekty, chargé de vérifier les travaux financés par les CEE, partage cette analyse. Selon lui, il aurait fallu, dans cet arrêté, raccourcir le délai de dépôt des dossiers de demandes de CEE « pour permettre à ce nouveau coup de pouce de démarrer rapidement » et fiabiliser les dates d'engagement en exigeant « l'horodatage fiable du devis pour éviter l'antidatage ».
Vigilance sur la qualité des audits
Le GPCEE demande par conséquent de garantir la qualité des audits énergétiques effectués en amont des travaux de rénovation, ainsi que la pertinence des préconisations de travaux qui y sont mentionnées. « Le texte ouvre la possibilité aux diagnostiqueurs énergétiques de réaliser un audit réglementaire comme base de cette nouvelle charte coup de pouce. Cela ne veut pas dire que ça va amplifier la fraude, mais nous estimons qu'il faut être vigilant sur la déclaration de l'état initial du logement. Les préconisations de travaux et, au final, le montant des aides qui vont être données découlent de cela », prévient Florence Lievyn.
Une inquiétude que partage Oussama Djeddi : « On a décidé, dans ces fiches d'opérations standardisées, que c'est l'auditeur, à travers l'audit et les économies d'énergie théoriques, qui va calculer le volume de CEE. Donc on écrête les aides des CEE parce que de mauvais audits sont réalisés - surtout en maison individuelle - sciemment pour gonfler le volume de CEE. Les logiciels d'audit qui ne contiennent pas ou peu de garde-fous et le résultat peut être modifié par l'auditeur. Il faudrait obliger les éditeurs à fermer davantage leur logiciel et à rendre disponible le résultat tel que modélisé sur une plateforme sécurisée accessible aux différentes parties prenantes chargées du contrôle (bureau de contrôle, PNCEE….) ».
Oussama Djeddi déplore aussi que l'écrêtement « ne tienne pas compte de la nature des travaux et donc n'incite pas à aller suffisamment loin vers des travaux ambitieux, avec l'isolation par l'extérieur par exemple ».
Le Sénat s'attaque aux escrocs de la rénovation
Par ailleurs, l'entreprise Spekty fait état d'un taux de non-conformité d'environ 25 % des entreprises contrôlées sur site, quel que soit le niveau de travaux financés par les CEE. Ce chiffre est mis en avant par la commission d'enquête du Sénat, dans son rapport paru le 5 juillet, qui donne notamment des pistes pour renforcer le contrôle des fraudes à la rénovation. Le Sénat propose ainsi d'alourdir les sanctions, en portant à dix ans de prison et à un million d'euros d'amende la peine encourue pour les escrocs « qui usurpent, par exemple, la qualité de conseiller France Rénov' ou le label Reconnu garant de l'environnement (RGE) et portent préjudice aux fonds publics ». Les sénateurs recommandent, en outre, de généraliser la fixation des amendes aux entreprises délictueuses à un niveau proportionné aux avantages tirés du délit, soit 10 % du chiffre d'affaires annuel.