Ce mardi 18 mars, Equilibre des énergies (Eden), une association regroupant des acteurs économiques et industriels du secteur de l'électricité, a présenté son plaidoyer contre l'arrêté fixant les modalités de calcul pour la réglementation thermique 2012 (RT 2012).
Avec 1.377 pages d'annexes, ce texte ne prend pas en compte la diversité des territoires, bloque l'innovation technique et semble favoriser le gaz, déplore Alain Lambert, président du conseil général de l'Orne, à l'occasion de la conférence de presse de l'Eden. Ce texte est "le symbole de l'échec absolu" de la réglementation, critique "le chantre de la simplification du droit".
Pour rappel, en avril 2013, à la demande du Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipement ménager (Gifam), le Conseil d'Etat avait annulé l'arrêté du 20 juillet 2011 fixant la méthode de calcul Th-B-C-E en application de la RT 2012. Le Gifam, par ailleurs membre d'Eden, craignait qu'elle remette en cause le chauffage électrique dans les bâtiments neufs.
Suite à cette annulation, prononcée pour une raison de forme, l'arrêté n'ayant pas été signé par le ministre de l'Economie, le gouvernement a pris fin avril 2013 un arrêté identique mais en bonne et due forme.
Un texte inintelligible
La France croule sous une "avalanche de textes", estime Alain Lambert qui évalue le rythme à "environ un par jour ouvré". Cette situation "extravagante" entraîne des coûts supplémentaires et parfaitement inutiles, estime-t-il.
S'agissant de la RT 2012, l'élu de l'Orne juge que personne ne peut comprendre l'intégralité des règles de calcul. Mais plus encore, c'est "la non-conformité du texte règlementaire à l'esprit de la loi" qu'il critique. Il avance trois aspects opposés à la Constitution.
Tout d'abord, la méthode de calcul s'oppose à la règle d'intelligibilité du droit. Le texte trop compliqué n'est pas compréhensible par les citoyens et est trop difficile à appliquer. "On n'a pas trouvé pire", fulmine Alain Lambert qui juge que le texte est difficilement opposable dans ces conditions.
Ensuite, la méthode de calcul ne tient pas compte de la diversité des territoires et en particulier de l'absence de réseau gazier dans certaines zones. La rédaction du texte a été "influencée", estime Alain Lambert en réponse à une question au sujet du rôle joué par les ingénieurs de GDF Suez dans les commissions chargées de rédiger la méthode de calcul. L'Administration et les grands corps rédigent les règlements en relation avec les groupes énergétiques, a-t-il expliqué.
Enfin, le texte ne met pas en avant la baisse des émissions de CO2 qui est l'un des objectifs de la loi Grenelle. Une critique qu'Eden partage avec l'association Sauvons le climat qui en septembre 2013 a déposé une requête au Conseil d'Etat "pour faire modifier" la RT 2012 au motif qu'elle serait trop défavorable au chauffage électrique et que "si la RT 2012 est maintenue en état, elle causera un surcroît d'émissions de CO2".
Eden et la CCEN ne cèderont pas
Plutôt que de rédiger une méthode de calcul complexe, Eden propose de s'appuyer sur le "droit souple", c'est-à-dire un droit qui fixe de grands objectifs et permet une application souple s'appuyant sur des normes. Les normes Afnor sont ici citées en exemple.
En septembre 2013, la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), dirigé par Alain Lambert, avait émis un avis défavorable sur la méthode de calcul de l'arrêté d'avril 2013. Les motifs invoqués par la CCEN s'appuyaient dans les grandes lignes aux arguments de l'Eden. A la suite de ce rejet, la Commission avait demandé à la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), chargée de rédiger le texte incriminé, de revoir sa copie en s'inspirant des normes.
Aujourd'hui, il semblerait que la CCEN, dont les pouvoirs ont été élargis dans le cadre du choc de simplification, souhaite que le gouvernement révise la méthode de calcul. "Nous en faisons une affaire de principe, nous ne cèderons pas", a expliqué Alain Lambert, sans expliquer de quelle manière il entendait convaincre le gouvernement de faire machine arrière. Tout juste a-t-il indiqué que "[son] pressentiment est que le gouvernement va lâcher" et qu'il a eu un contact constructif avec Cécile Duflot, ministre de l'Egalité des territoires.
Concrètement, Eden souhaite que soit notamment révisé le coefficient de modulation en fonction des émissions de gaz à effet de serre (GES) des énergies utilisées (McGES) applicable aux kWh électriques, selon Jean Bergougnoux, son président. L'ancien directeur général d'EDF, estime que ce coefficient, qui paradoxalement est fixé dans un arrêté d'octobre 2010 et non pas dans l'annexe critiqué par l'Eden, est aujourd'hui fixé à 0 pour l'électricité, contre 0,3 pour le bois et de 0,1 à 0,3 pour les réseaux de chaleur.