Le Conseil d'Etat a donné provisoirement raison (1) aux opposants au projet de création de la zone d'activité du Tronçay sur la commune de Sardy-lès-Epiry dans la Nièvre. Ce projet, qui vise à créer un pôle industriel dédié au bois, est soutenu par l'Etat et les élus locaux mais suscite en revanche l'opposition de plusieurs associations. La société Erscia y prévoit la construction d'un "incinérateur produisant de l'électricité", d'une scierie industrielle et d'une unité de production de granulés de bois destinés à être brûlés dans les centrales thermiques belges, précisent les associations requérantes Loire Vivante, Decavipec et le Collectif de Marcilly.
Ces dernières avaient obtenu pour la troisième fois en février dernier une décision favorable du Tribunal administratif de Dijon, qui acceptait, dans le cadre d'une procédure en référé, de suspendre un arrêté du préfet de la Nièvre. Cet arrêté autorisait la société d'économie mixte Nièvre Aménagement à détruire, altérer, dégrader des sites de reproduction ou d'aires de repos d'animaux et de transports d'espèces animales protégées sur la commune de Sardy-lès-Epiry. C'est la décision de suspension du tribunal de Dijon que vient de confirmer le Conseil d'Etat.
Urgence et doute sérieux sur la légalité sont réunis
La Haute juridiction administrative a confirmé que les deux conditions qui permettent de prononcer la suspension de la décision administrative étaient bien réunies. En premier lieu, celle liée à l'urgence : la destruction des sites de reproduction présente un caractère "par nature irréversible" sur les espèces protégées, et les travaux d'aménagement de la future zone humide prévue dans le cadre des mesures de compensation étaient programmés au cours de l'année 2013.
La deuxième condition, liée à l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de la décision, était également satisfaite. "Si le projet présentait un intérêt public incontestable, il ne constituait pas pour autant un cas exceptionnel dont la réalisation se révèlerait indispensable", avait estimé le juge des référés de Dijon. L'absence de justifications de raisons impératives d'intérêt public majeur, exigées par le droit communautaire pour déroger à la protection de la faune et de la flore sauvages, était de nature à faire naître ce doute sur la légalité de la décision.
Cent-vint emplois directs à la clé
Le juge réaffirme par cette décision que "la destruction d'espèces protégées n'est pas une variable d'ajustement qu'il suffit de mettre en œuvre pour réaliser son projet", se félicite Raymond Léost, en charge des questions juridiques pour France Nature Environnement (FNE).
Le souci est que la mise en place du projet doit normalement donner naissance à une vallée du bois de 110 hectares avec, à la clé, un investissement de 148 millions d'euros, 120 emplois directs et 250 emplois indirects, selon des chiffres avancés en mars dernier par l'AFP.
"Le sens de notre action (…) n'est pas de s'opposer au développement économique, et ce d'autant moins dans une période de crise et dans une zone comme le Morvan où le travail est rare", justifie Dominique Py, administratrice de FNE en charge des questions de faune sauvage, "mais il est indispensable (…) de comprendre que (…) lorsqu'il y a des espaces industriels vides, il est bien dommage de détruire une forêt pour créer une zone industrielle".
En tout état de cause, la guérilla judiciaire n'est pas terminée. Pas moins de six arrêtés préfectoraux ont fait l'objet de recours en annulation dans le cadre de ce projet.