« Notre crainte est d'avoir deux années de sécheresse de suite », s'inquiète Jean-Francis Richeux, président du syndicat mixte des eaux de Beaufort (qui couvre une trentaine de communes de la baie du Mont-Saint-Michel), lors du Carrefour des gestions locales de l'eau organisé à Rennes, ces 25 et 26 janvier. Cette peur est malheureusement fondée, au regard de la course actuelle du réchauffement climatique : avec un déficit pluviométrique record de 25 % en 2022 selon Météo-France et, par conséquent, une recharge automnale des nappes phréatiques « trop insuffisante » pour amorcer l'été prochain, d'après le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Tous les acteurs du secteur français de l'eau partagent ainsi cette inquiétude. Pour la surmonter, « il faut aller au-delà des procédures toutes prêts et favoriser une véritable culture de crise », soutient Laurent Brunet, directeur technique chez Suez Eau France. Si ce dernier privilégie une approche systémique en interne, d'autres acteurs, plus pragmatiques, développent déjà leurs propres stratégies.
Anticiper les contraintes du terrain
De son côté, le directeur des opérations du groupe Saur, Christophe Tanguy, parie sur la conduite d'actions en anticipation. « Nous avons les techniques pour faire face à un manque d'eau, l'enjeu est de savoir comment et quand les utiliser à bon escient. » Au début de l'été 2022, sentant la sécheresse pointer le bout de son nez, Saur a notamment engagé une opération de désalinisation de l'eau de mer pour réinjecter l'eau dans un barrage de l'île de Groix, dans le Morbihan. Lancée dès le début du mois de juin, elle a ainsi obtenu toutes les autorisations réglementaires et validations techniques nécessaires pour produire suffisamment d'eau pour combattre la sécheresse (et ce, pendant près de trois mois) dès le début du mois d'août. Le tout, en comptant une baisse de 20 % de la consommation d'eau résultant d'une campagne de sensibilisation parallèle.
Acquérir et diffuser l'information
« Avoir des données en amont et connaître les capacités et l'organisation du territoire nous a permis de faire preuve d'une réactivité suffisante », atteste Christophe Tanguy. Autrement dit, c'est l'information qui permet de relever le défi d'une telle crise. Et Pascal Pitor, lieutenant-colonel du service départemental d'incendie et de secours du Finistère, de conclure : « capter l'information, s'en servir et la communiquer est capital pour éviter que la crise ne s'avère aussi grave qu'elle peut l'être ».