Chargé de superviser les difficiles négociations sur le climat, le polytechnicien Philippe Leglise-Costa partage cet enthousiasme : pendant six mois, la France va tout tenter pour faire adopter ce paquet Climat-Energie. Les négociations seront difficiles mais un accord est possible d'ici fin décembre.
Des gages de bonne volonté française...
Des promesses d'intention que ne semble pas démentir l'actualité de ces derniers jours. Réunis ce lundi en Bavière, la chancelière allemande Angela Merkel et le Président français Nicolas Sarkozy, se sont entendus sur un accord, certes peu satisfaisant environnementalement parlant, mais obligeant les constructeurs automobiles de fabriquer des voitures ne rejetant ''que'' 120 / 130 grammes de CO2 par kilomètre en 2012. Seul un bonus de 6 à 8 grammes sera accordé aux industriels qui mettent en œuvre des innovations écologiques (pneus de la dernière génération, une septième vitesse...)
Autre initiative ? Le parlement français doit examiner fin juin le projet de loi transposant la directive de 2004 sur la responsabilité environnementale. Le principe pollueur payeur va enfin être adopté.
Ce n'est pas tout. Jean-Louis Borloo, le ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire a probablement aussi voulu rassurer ses partenaires européens, et donner davantage de crédibilité à la présidence française en présentant ce mercredi 11 juin au matin en Conseil des ministres, le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement. Nicolas Hulot, pour qui le texte comporte tout de même des lacunes en matière de fiscalité écologique, se félicite lui-même des avancées réalisées par ce projet de loi. Dans une interview, accordée au Monde ce mercredi 12 juin, le père du Grenelle de l'Environnement explique : s'il est voté, si les lois d'application et les décrets suivent, la France se sera remise à niveau de manière spectaculaire (…) La France passe enfin à l'acte.
...mais un absentéisme remarqué
Concrètement, pour cette sixième Semaine verte Européenne dont le slogan était cette année « Une seule Terre, ne la gaspillons pas ! », plus de 3.500 personnes ont fait le déplacement. Beaucoup d'Anglais, de Belges ou Scandinaves, quelques Italiens et de très rares représentants des pays de l'Est. Peu de Français présents physiquement, mais pas seulement…
Au cours de la conférence sur les « villes durables », les villes ont présenté leur politique à l'instar de Berlin en Allemagne (vélo en libre-service, péage, émission de CO2 en baisse), de Londres au Royaume-Uni (péage, guide des marchés publics et conseils gratuits en continu de l'administration aux 600 000 PME…) ou de la ville de Wroclaw en Pologne (modernisation des décharges publiques, construction d'un périphérique routier (!), nombreux parkings gratuits en centre-ville).
Question : où sont les Français ? Seules quelques coopératives d'agriculteurs bios, porteuses de projets LIFE, soutenues par des chambres d'agriculture, semblent avoir fait le déplacement et tiennent un stand, alors que parmi les industriels venus témoigner on trouve le confiseur australien Cadburry, le détaillant italien Coop, le producteur de lait anglais « Milk & Cream », le revendeur de meubles scandinave IKEA… Les Français, eux, ne sont pas venus. Pour autant, sont-ils regardés comme des cancres en matière de protection de l'environnement ?
Cancre pour autant ?
Venu participer à une conférence intitulée « Gaspillage et recyclage dans notre société », le Belge Pierre Hannequart, Président de l'association européenne des villes et régions pour le recyclage et la gestion durable des ressources (ACR+), espère lui être soutenu par la France pour le lancement dans certaines villes, dès novembre 2008, d'une campagne européenne de sensibilisation à la réduction des déchets. Un projet LIFE inspiré de la semaine française de réduction des déchets : pour réduire de 100 kilos (habitant/an) le poids des déchets municipaux, qui avoisinent aujourd'hui les 600 kilos, les villes et régions doivent s'organiser (…) Nous travaillons étroitement avec l'ADEME et comptons effectivement beaucoup sur la Présidence française pour officialiser et généraliser le concept en 2009.
Le sujet de l'étiquetage des produits est revenu fréquemment. La Commission envisage en effet d'élargir prochainement le champ d'application de la Directive eco-conception, en élargissant les étiquettes énergétiques à tous produits manufacturés de grande consommation. Pas encore pour l'alimentation. En la matière, la France est-elle à la pointe ? Pas forcément mais depuis quelques mois, les initiatives se multiplient. L'affichage sera d'ailleurs obligatoire le 1er janvier 2011. Un représentant du groupe Nestlé venu assister à une conférence intitulée « L'alimentation soutenable » s'interroge : comment peut-on mieux informer nos clients sur l'empreinte carbone ?.
Car la semaine verte, c'est aussi un lieu d'échange… malgré le peu de présence Française. En sera-t-il de même au cours des six mois de présidence ? Un Grenelle européen est-il envisageable ? Les responsables de France Nature Environnement (FNE), fermement opposés aux agrocarburants, peu enthousiastes aux projets de séquestration du carbone, soucieux de ne pas voir simplement les accords de Kyoto remplacés par un traité identique nommé différemment, se déclaraient début juin également inquiets sur la méthode adoptée pour l'instant par Paris : les associations doivent être davantage associées. Il faut rapprocher l'Europe des territoires et des citoyens et la Présidence française est une formidable opportunité de le faire. Un sentiment que partagent probablement les 200 pêcheurs, français et espagnols, venus manifester mercredi 4 juin au pied du bâtiment Charlemagne à Bruxelles. Exaspérés, tiraillés entre le prix du gazoil qui augmente (82 à 86 centimes le litre soit 5.000 euros/mois pour un bateau de 10 mètres doté d'une cuve 2.500 litres), des ventes à perte et une ressource menacée, ils ont très violemment rappelé aux instances européennes que Bruxelles est parfois trop éloigné des réalités du terrain. Un message que devront méditer les autorités françaises à compter du 1er juillet prochain. Angela Cropper, Directrice du programme environnemental de l'ONU confiait pour sa part à propos de la présidence française : il faudra autre chose que des belles paroles !