En 2022, d'après la Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises (Fnege), 20 % des étudiants français suivent des études de gestion, de commerce ou de management. Mais, au sein de ces cursus, seules 6 % des formations disponibles abordent les enjeux de la transition écologique dans des cours obligatoires – contre une moyenne de 11 % dans l'ensemble des cursus de l'enseignement supérieur.
Pour inverser la tendance, et dans l'esprit affiché par le gouvernement d'intégrer les enjeux écologiques dans tous les cursus d'ici à 2025, le Shift Project, le laboratoire d'idées fondé par Jean-Marc Jancovici, tente d'apporter sa pierre à l'édifice dans son dernier rapport « ClimatSup Business » (1) . Deuxième volet d'un travail de réflexion sur l'enseignement supérieur, il succède au rapport « ClimatSup Insa », consacré aux écoles d'ingénieurs, et précède « ClimatSup Finance » (attendu pour le 15 décembre), réalisé sur les futurs professionnels de la finance.
165 heures d'enseignements obligatoires
« Afin de former des managers capables de mettre en œuvre la transition écologique, (il faut) transformer les enseignements communs, mais aussi décliner les connaissances et compétences requises par filière métier », affirme l'équipe du Shift Project. Son plan mise, en premier lieu, sur la transmission obligatoire d'un socle de connaissances et de compétences : les contraintes physiques d'un monde fini et leurs implications socio-économiques, les limites écologiques des modèles de gestion et d'économie, la capacité d'élaborer des scénarios et des business plans compatibles avec, notamment, une baisse des émissions de gaz à effet serre ou encore les méthodes de sobriété numérique.
Ce socle serait, par ailleurs, à décliner en fonction des spécialités des cursus et des familles de métiers pour lesquelles ils forment. Le Shift Project propose, par exemple pour les futurs responsables marketing, de concentrer leurs cours sur la connaissance des enjeux écologiques des différents secteurs de l'économie, la capacité à développer un regard critique sur les modes de consommation ou à évaluer la qualité environnementale de leur futur portefeuille de produits pour mieux tendre vers l'écoconception. Pour les consultants ou les directeurs stratégie en herbe, acquérir des compétences pour estimer les limites physiques d'une entreprise afin d'entamer la transformation écologique d'un business model serait davantage prioritaire. À l'inverse, les futurs logisticiens auront plutôt à apprendre comment évaluer l'impact environnemental d'une chaîne d'approvisionnement ou comment réduire les émissions de son réseau de transports.
Transformer la culture des grandes écoles
Dans son rapport « ClimatSup Business », le Shift Project recommande ainsi à tous les enseignants d'écoles de management de suivre une formation d'au moins 48 heures sur les limites planétaires et leurs impacts sur l'économie. Afin d'imprégner également les stratégies d'établissement, le laboratoire d'idées plaide pour une formation d'au moins dix heures pour l'ensemble de la direction et du personnel administratif. Au total, cette transformation, de la constitution d'une nouvelle stratégie et de nouveaux cours à leur mise en œuvre à l'échelle d'une première promotion d'étudiants, devrait prendre deux ans, pour une grande école de 500 à 1 000 étudiants.
À terme, le Shift Project mise également sur la transition des autres sphères du milieu des grandes écoles : celle des organismes de classements, celle des alumni, anciens diplômés, et celle des entreprises qui recrutent les nouveaux diplômés. S'agissant plus particulièrement de la première, l'association milite pour qu'un « poids supérieur à tous les autres critères de classement » soit donné à l'intégration des enjeux écologiques et à l'évaluation des actions menées en ce sens par les établissements.