"Les 100 sites les plus consultés en France consomment en un an autant d'électricité que 25.400 foyers", relève l'association Green Code Lab. Ce chiffre ne concerne que le "côté utilisateur". Mais la future version de Web Energy Archive (1) (WEA) essaiera de prendre en compte la consommation en énergie électrique induite par les réseaux et les centres de stockage de données (data centers). Une étude (2) a montré que, en 2002, 62% de la demande en énergie dans l'économie numérique provenait des utilisateurs, contre 25% pour les réseaux et 13% pour les centres de stockage des données. La même étude estime que la part des data centers dans cette consommation grimpera à 23% en 2020.
Un label pour prendre conscience de l'impact environnemental du Web
Le projet WEA d'Olivier Philippot et Thierry Leboucq, co-fondateurs de Green Code Lab, a permis de mesurer, depuis novembre 2012, 600 sites. Web Energy Archive est, pour Thierry Leboucq "un outil universel qui a vocation à durer". C'est pourquoi un label doit être lancé, grâce au crowdfunding. Les sites auront la possibilité d'afficher leur performance énergétique sur leurs pages web. Par souci de clarté, ce label prendra la forme des étiquettes-énergie présentes sur les réfrigérateurs et autres équipements électroménagers.
Les catégories de l'étiquette énergétique (de A à G) ont vocation à évoluer, soulignent les créateurs de WEA. En effet, la catégorie A est basée sur les meilleures performances mesurées, et peut donc devenir plus exigeante au fil des progrès généraux des acteurs du web.
40 secondes pour juger une page
Pour fournir ses évaluations, WEA mesure la consommation énergétique à partir du téléchargement de la page et dans les quarante secondes qui suivent. En effet, le chargement n'est pas la seule dépense d'énergie. Par exemple, l'affichage en temps réel, à côté des articles publiés, du nombre de likes ou de partages twitter entraîne une consommation supplémentaire. En général, un site d'information contacte 40 serveurs en une seconde, et les flux de données ainsi engendrés ne le sont pas toujours au profit d'une meilleure offre pour l'internaute, expliquent les co-fondateurs. Le site de Légifrance, qui a été noté "A" par WEA, compte ainsi parmi les meilleurs sites au plan énergétique.
Par ailleurs, "il est difficile de communiquer", souligne Thierry Leboucq à propos du gaspillage énergétique des sites. En effet, l'idée selon laquelle surfer laisse une empreinte environnementale n'est pas bien ancrée. Par exemple, la consommation électrique des centres de stockage de données (3) intéresse peu l'internaute, alors que ces centres peuvent être énergivores et parfois localisés dans des pays utilisant une électricité issue d'une source polluante telle que les centrales à charbon.
Des bonnes pratiques simples à mettre en oeuvre
Mais les deux fondateurs font valoir qu'il est facile de diminuer sa consommation énergétique. "En 48H, un groupe d'étudiants a réussi à diviser par deux la consommation du serveur" et à "diviser par deux la consommation côté consommateur", rapporte Thierry Leboucq à propos d'un challenge international organisé par Green Code Lab.
Les internautes peuvent aussi adopter de bons réflexes, comme couper les onglets, limiter le recours aux animations Flash, ne pas surfer depuis un téléviseur ou éviter de rechercher un site via un moteur de recherche lorsqu'ils en connaissent l'adresse, énumère Olivier Philippot. En effet, chaque entrée sur Google suscite un flux de données important : les résultats sont affichés avant même que l'utilisateur ait eu le temps d'inscrire un mot entier, rappellent les co-fondateurs. Ce gaspillage énergétique invisible est aussi aggravé par l'utilisation de polices originales aux caractères spécifiques qui nécessitent d'être téléchargées par les lecteurs, ajoute Green Code lab.
Un langage de programmation, oui… mais lequel?
Au-delà de modifications superficielles, qu'un développeur peut mener en 2 ou 3 jours, affirme Thierry Leboucq, une véritable évolution semble nécessiter un changement de modèle. Par exemple, l'utilisation croissante de langages "serveurs" tels que php, asp ou encore jsp ne permet pas une véritable sobriété énergétique. Ces langages informatiques utilisés par la plupart des sites dynamiques est "plus lourd". Pire, pour les pages statiques (4) le recours à un langage de programmation est source de gaspillage. Et les co-fondateurs de citer le code "html", qui serait plus vert dans ce cas.
Par ailleurs les sites dont le modèle économique repose sur la publicité sont difficilement maîtres de leur empreinte écologique. Les images comme les vidéos sont en effet des données plus lourdes. Ainsi, dans le cas du jeu vidéo Angry Birds, 75% de la consommation électrique résulte du recours à la publicité, illustre olivier Philippot.
Enfin, les bloggeurs amateurs, voire les développeurs, utilisent souvent sans le savoir des logiciels très peu efficients énergétiquement. Green Code Lab souligne donc l'importance de choisir le bon framework (5) ou CMS (6) . Le mieux reste encore de développer ses propres codes informatiques, spécifiquement adaptés aux fonctionnalités attendus pour son site.
Quid d'Actu-Environnement ?
Actu-Environnement a été soumis au test WEA, et ne s'en sort malgré tout pas trop mal. Sur une échelle de A à G, le site est classé D pour son empreinte environnementale et F pour sa consommation d'énergie. Elevée, nous direz-vous ? Pas vraiment vu qu'il s'agit d'un site dynamique (7) , à fort contenu, affichant de la publicité (8) et résolument ouvert aux réseaux sociaux (9) . De plus, le site est hébergé en France. Le recours aux énergies fossiles pour produire de l'électricité est donc faible.
Enfin, si des améliorations seront immanquablement à apporter au site pour réduire son impact environnemental, Actu-Environnement n'a pas attendu pour réduire son empreinte par ailleurs : les bureaux de la rédaction sont sous contrat avec Enercoop pour une fourniture d'électricité d'origine 100% renouvelable !