Le futur schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (Sraddt) ne doit pas "créer un jacobinisme régional ou (…) casser les dynamiques territoriales existantes", estime Jean-Jacques Hyest, sénateur UMP de Seine-et-Marne et rapporteur du texte. Il doit plutôt avoir "un rôle de mise en cohérence de l'ensemble des documents élaborés par les différents échelons locaux". Le dispositif, inscrit à l'article 6 du projet de loi (1) portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre), a été amendé en séance publique en ce sens. Cependant, sans chercher à créer un "Gosplan régional", pour être efficace, le Sraddt devra rendre prescriptif toute une série de règles relatives à l'urbanisme, aux transports, à l'intermodalité, à la cohérence écologique, aux déchets, à la montagne ou au littoral, à l'eau, aux risques, etc… Il s'agit donc de trouver "un point d'équilibre entre l'impuissance régionale et la bureaucratie régionale", a résumé Philippe Bas, sénateur UMP de la Manche
Les termes qui seront retenus dans le texte final seront lourds de sens. Le Gouvernement avait proposé d'établir "une relation de compatibilité" entre le Sraddt et les différents schémas et plans infrarégionaux. Mais après son passage en commission sénatoriale, le texte fait de la région l'échelon pertinent de "la coordination" des politiques publiques d'aménagement sur le territoire régional, explique le sénateur.
Coordonner et rendre compatible
Comme le souligne le rapporteur, "le mot « compatible » fait peur", certains élus locaux craignant que le Sraddt ne les prive de liberté. Cependant, Jean-Jacques Hyest se veut rassurant et a expliqué que "la compatibilité n'est pas la conformité, elle laisse une marge de manœuvre importante". En effet, selon lui, la compatibilité ne serait possible que si les autres collectivités participent pleinement à l'élaboration du schéma. Une participation "pleine et entière" de l'ensemble des collectivités se démarquerait alors de la simple "association formelle".
Si le raisonnement du sénateur est cohérent, il laisse cependant des zones d'ombre. En effet, rien n'indique que toutes les collectivités concernées seront entendues. D'autant que les inévitables arbitrages feront forcément des déçus…
Mais le fait que le futur Sraddt s'impose aux communes ne pose pas forcément problème. Ainsi, Michel Delebarre, sénateur socialiste du Nord, a rappelé que l'objectif du schéma proposé est de corriger le "caractère peu prescriptif [de la planification régionale actuelle] vis-à-vis des documents d'urbanisme". Pointant l'artificialisation des sols, il a plaidé pour le maintien du caractère prescriptif du SRADDT, ajoutant que "pour tempérer les inquiétudes sur la valeur prescriptive du schéma régional, il est important que son élaboration associe de manière étroite l'État et les collectivités territoriales infrarégionales".
A l'écoute des collectivités…
Les avis divergent donc, mais pour donner des garanties aux collectivités, le rapporteur a fait adopter un amendement (2) prévoyant une seconde délibération lorsque les trois cinquièmes des départements ou les trois cinquièmes des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) demandent que la région revoie sa copie. "Normalement, une telle majorité ne devrait pas voir le jour si la région joue le jeu de la concertation, de la participation, de l'écoute, mais la mesure proposée constitue une garantie forte pour inciter la région à le faire", explique-t-il.
Quant aux autres collectivités locales, elles pourront s'exprimer dans le cadre de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP), créée par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. Présidée par le président du conseil régional, la CTAP doit permettre un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales. Le sénateur a fait adopter un amendement en ce sens (3) , malgré la demande de retrait du gouvernement.
… et de l'Etat
Autre sujet de crainte : le rôle de l'Etat dans le processus puisque le préfet de région doit approuver le Sraddt. "Il ne s'agit nullement d'un contrôle d'opportunité [mais] il est vrai que l'État se fixe un certain nombre d'objectifs", a expliqué Jean-Jacques Hyest, ajoutant : "imaginez qu'il souhaite construire une grande infrastructure, il faudra bien que le Sraddt en tienne compte. Un aéroport, par exemple,…". Et les sénateurs de s'écrier : "Notre-Dame-des-Landes !", "un barrage !" et "un village de vacances !". Le sujet est bel et bien posé.
En l'occurrence, la position du rapporteur est claire : "que les schémas ne puissent s'opposer à la politique de développement du territoire mise en œuvre par l'État est la moindre des choses". C'est déjà le cas des schémas de cohérence territoriale (Scot), a-t-il rappelé. Quant au contrôle du préfet sur le Sraddt, il ne serait qu'un contrôle de compatibilité du schéma avec les projets de l'Etat et en aucun cas un jugement sur l'opportunité de tel ou tel projet.
"Le préfet signe, à notre corps défendant, nous finissons par l'accepter, mais sa signature est automatique, sauf en cas de non-respect de la procédure [d]'élaboration du schéma", a résumé Philippe Bas, ajoutant que "quand il ne signera pas, il devra se borner à informer le conseil régional et son président du problème qu'il aura soulevé, afin que la région puisse y remédier. Ensuite, il ne pourra plus refuser de signer".