Coup d'arrêt aux travaux de défrichement en vue de l'extension du domaine skiable de Rochebrune, à Megève (Haute-Savoie). Par une ordonnance du 14 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a en effet suspendu l'arrêté préfectoral du 30 mai 2022 qui autorise la société des remontées mécaniques de Megève à déroger à l'interdiction de destruction des espèces protégées, dérogation nécessaire à cet aménagement.
Le juge a estimé que les deux conditions permettant une suspension, à savoir l'urgence et l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de la décision, étaient réunies. Concernant l'urgence, « si les travaux préparatoires de terrassement et de génie civil sont déjà achevés, les deux massifs de ligne du télésiège du Lac réalisés et le défrichement déjà réalisé pour près de 90 % de la surface autorisée, il n'est pas contesté qu'à la date de l'audience, la surface restant à défricher est d'environ 13 000 m² », indique l'ordonnance. Or, le projet, dans son ensemble, affecte onze espèces protégées de mammifères, trente espèces d'oiseaux et cinq de reptiles et amphibiens, et les boisements restant à défricher représentent un intérêt pour certaines de ces espèces. « L'atteinte aux intérêts qu'entend défendre les associations requérantes [FNE Haute-Savoie, Biodiversité sous nos pieds] est donc suffisamment grave et immédiate pour que la condition d'urgence soit satisfaite sans être contrebalancée par l'intérêt général poursuivi par le projet », estime le juge des référés.
Ce dernier applique ici la décision du Conseil d'État du 8 avril dernier qui, annulant son ordonnance précédente de rejet pour erreur de droit, avait jugé que l'urgence pouvait être retenue même si 90 % des travaux d'un projet étaient déjà réalisés.
Quant à la deuxième condition, l'argument selon lequel la dérogation a été accordée en l'absence de raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) est « propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée », estime le juge. Cet élément constitue en effet l'une des trois conditions, avec l'absence de solution alternative satisfaisante et l'absence de menace sur l'espèce, nécessaires pour accorder une telle dérogation. Dans ce cadre, rappelle l'ordonnance, le préfet, sous le contrôle du juge, doit prendre en compte les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu des mesures d'évitement, de réduction et de compensation (ERC) proposées par le porteur de projet, et de l'état de conservation des espèces concernées.