Selon la CFDT, Areva et le CEA s'opposent à ce que les représentants de la société civile assistent comme observateurs aux inspections des sites nucléaires visés par l'audit de sûreté engagé par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Si les représentants des Commissions locales d'information (CLI) et du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) accompagnent les experts de l'ASN sur les sites d'EDF lors des inspections post-Fukushima, ils sont personae non gratae lors des inspections des sites d'Areva et du CEA.
Gilles Compagnat, représentant de la CFDT au collège des syndicats du HCTISN et pilote du groupe de travail du HCTISN sur les évaluations complémentaires de sûreté, juge que "dans le contexte actuel qui nécessite la plus grande transparence, la CFDT et l'ensemble des représentants de la société civile au HCTISN déplorent que deux exploitants importants entravent cette mission".
Areva et le CEA se retranchent derrière la loi
Les inspections post-Fukushima sont conduites par l'ASN dans le cadre de l'évaluation de la sûreté des installations nucléaires en parallèle de l'audit proprement dit qui repose sur la remise par les différents opérateurs de rapports d'évaluation. Lors de la mise en place de l'évaluation, l'ASN a proposé au HCTISN de déléguer des observateurs issus de la société civile. "Dans un premier temps, le CEA n'a rien dit, mais il a ensuite réagi très vivement avec Areva pour indiquer son refus d'intégrer des représentants du Haut comité", rapporte Gilles Compagnat.
"Il n'y a pas de volonté de ne pas être transparent", avance Xavier Clément, porte-parole du CEA. La réponse est similaire pour Areva qui indique qu'"il ne s'agit pas d'un refus de transparence mais bien de se conformer strictement aux dispositions de la loi TNS."
Concrètement, Areva comme le CEA se retranchent derrière la loi de 2006 sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire (TSN). "La loi distingue visites et inspections menées par l'ASN", explique le porte-parole du CEA qui rappelle que les inspections peuvent avoir des conséquences légales et judiciaires. Areva fait un constat similaire et rappelle que "les inspecteurs sont astreints au secret professionnel, habilités et assermentés".
Par ailleurs, les deux opérateurs se disent près à ouvrir leurs portes aux membres du HCTISN. "Nous avons proposé que des membres du HCTISN visitent nos installations avant ou après les inspections de l'ASN", indique Xavier Clément, précisant qu'"il s'agirait de visites mais pas d'inspections, même si les inspecteurs de l'ASN pourraient faire un débriefing de leur inspection". Quant à Areva, l'entreprise indique que "comme cela a déjà été fait avec des délégations de l'OPESCT, Areva est favorable à l'organisation de visites adaptées de ses installations pour ces observateurs de la société civile".
Des réponses qui ne satisfont pas le représentant du HCTISN. "Dans la pratique l'application de la loi n'a jamais posé problème", explique-t-il, avançant que "lors des inspections chez EDF, des représentants de certaines CLI peuvent être présents".
Défiance vis-à-vis du HCTISN
Les facteurs humains, un enjeu primordial
Pour Gilles Compagnat "au-delà de l'audit technique, les facteurs humains et organisationnels représentent un enjeu primordial qui, comme la question de la sous-traitance, doivent être mis à plat". Le syndicaliste souhaite en particulier que soit abordée la question des conditions de travail en cas d'accident nucléaire. "Comment des hommes peuvent résister au stress permanent et durable imposé par un accident nucléaire" se demande le membre du HCTISN, estimant que "jusqu'à maintenant cela n'a pas été étudié".
C'est par exemple à la demande, entre autres, du HCTISN que l'usine de retraitement de La Hague a été incluse dans le périmètre de l'audit, au motif que des quantités importantes de combustible usé y sont entreposées dans des piscines, alors que la lettre de mission du Premier ministre ne mentionnait pas le site d'Areva.
"Ils ont validé le cahier des charges et finalement, sans qu'on sache pourquoi, ils refusent catégoriquement les observateurs" déplore Gilles Compagnat, estimant qu'il s'agit là "d'une faute politique et d'une défiance vis-à-vis du Haut comité".
Le gouvernement tenu informé
Dés le mois de juillet, le gouvernement a été informé du revirement d'Areva et du CEA. Tout d'abord, L'ASN, a adressé une lettre mi-juillet pour informer les cabinets des deux ministres en charges du dossier, Nathalie Kosciusko-Morizet pour l'Ecologie et Eric Besson pour l'Energie.
Un mois plus tard, le 17 août, François Chérèque le secrétaire général de la CFDT, a écrit au Premier ministre pour dénoncer le manque de transparence de deux opérateurs majeurs du nucléaire français.
Enfin, la visite de François Fillon à la centrale du Bugey, le 29 août, a offert l'occasion au président du HCTISN, le sénateur honoraire Henri Revol, de s'entretenir du sujet directement avec le Premier ministre.