Depuis fin 2015, Suez prélève de l'eau d'un fleuve côtier pour recharger, à Hyères, une nappe alluviale menacée par les infiltrations d'eau salée. Une réussite que l'entreprise compte répliquer à Dijon et à Porquerolles.
Accélérer le cycle naturel de l'eau pour combattre les effets de la sécheresse. Tel est le pari de Suez avec ces opérations de réalimentation des nappes phréatiques. « Cette technique n'a rien d'innovant, elle est éprouvée depuis les années 1950, mais elle offre un accès supplémentaire à la ressource en eau à l'heure du réchauffement climatique », souligne Alexandre Duzan, directeur des innovations en la matière chez Suez. C'est ce que montre depuis novembre 2015 l'exemple de la station balnéaire d'Hyères-Les-Palmiers (Var).
Contrer le biseau salé
“ En deux ans, la ville est redevenue autonome en eau pour 97 % de sa consommation ” Alexandre Duzan, SuezEn été, il arrive à la commune de 56 000 habitants de voir sa population, et avec elle sa consommation en eau, quadrupler. Pour l'essentiel, ses approvisionnements proviennent de la nappe phréatique alluviale du bas Gapeau. Aggravé pendant les périodes de sécheresse, le surprélèvement durant l'été entraîne la salinisation de l'eau restante, la rendant impropre à la consommation. En effet, lorsque le niveau de l'eau stockée dans la nappe, située à proximité de la Méditerranée, descend en-dessous du niveau de la mer, l'eau salée s'infiltre par simple effet de gravité, une intrusion surnommée biseau salé. Recharger la nappe en anticipation assure de contrer un tel phénomène.
Schéma de fonctionnement de l'opération Aqua Renova.© Suez
Dans cette optique, l'opération Aqua Renova réalisée par Suez consiste à prélever une partie de l'eau douce du Roubaud, un cours d'eau côtier alimenté par le fleuve Gapeau, de novembre à avril grâce à une station de pompage. Cette eau, prétraitée en station pour en assurer la qualité, est acheminée deux kilomètres plus loin jusqu'à un bassin artificiel de réalimentation. Composé de plusieurs couches de sable, ce bassin recharge la nappe sous-jacente par infiltration, au rythme d'environ un mètre par jour. Au total, ce sont 2,7 millions de mètres cubes d'eau douce qui sont ainsi redirigés chaque année dans la nappe du bas Gapeau. « En deux ans, la ville est redevenue autonome en eau pour 97 % de sa consommation », atteste Alexandre Duzan.
Une réussite reproductible
Fort du succès de ce projet à 3 millions d'euros, Suez est en train d'installer un ouvrage similaire près de Dijon (Bourgogne) et se prépare à faire de même sur l'île de Porquerolles, au large d'Hyères justement. Ce dernier comportera néanmoins une facette supplémentaire : un forage réversible à deux voies (injection et extraction) et une réalimentation directement par canalisation sous-marine sans bassin artificiel – le premier projet du genre en France. Le hic ? De telles opérations ne peuvent être mises en œuvre n'importe où. « Les infrastructures nécessaires aux recharges des nappes ne sont compatibles qu'avec des terrains perméables ou sableux, indique Alexandre Duzan. Elles seraient impossibles à installer dans le Massif central ou en Bretagne. »
Article publié le 19 juillet 2023