Dans la nuit du vendredi 10 octobre au samedi 11 octobre, à l'occasion de la dernière séance publique consacrée à l'étude du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, les députés ont ajouté de nouvelles dispositions en matière de sûreté nucléaire. L'ajout de ces dispositions, qui visent à mieux encadrer le recours à la sous-traitance dans le nucléaire, avait été validé en commission spéciale lors de l'examen du titre VI du projet de loi.
Un encadrement à la discrétion de l'Etat
Un premier amendement adopté vise à ajouter un nouvel article au code de l'environnement afin de permettre à l'Etat de limiter le recours à la sous-traitance dans le secteur nucléaire. Cet article stipule qu'"en raison de l'importance particulière de certaines activités pour la protection des intérêts [par la législation encadrant les installations nucléaires de base (INB)], un décret en Conseil d'Etat peut encadrer ou limiter le recours à des prestataires ou à la sous-traitance pour leur réalisation".
Concrètement, le gouvernement pourra encadrer le nombre de niveaux de sous-traitance pour les travaux importants en terme de sûreté nucléaire.
Ce nouvel article prévoit aussi que "l'exploitant assure une surveillance des activités importantes pour la protection des intérêts [par la législation encadrant les INB] lorsqu'elles sont réalisées par des intervenants extérieurs". Pour cela, "il veille à ce que ces intervenants extérieurs disposent des capacités techniques appropriées pour la réalisation desdites activités", ajoute le texte, précisant qu'"il ne peut déléguer cette surveillance à un prestataire".
Ce second alinéa vise les sous-traitants et prestataires, mais aussi les utilisateurs dans le cas d'installations de recherche. L'exploitant devra s'assurer que ces intervenants disposent des capacités nécessaires pour mener à bien leur travail. "C'est le personnel de l'exploitant qui reste présent et en première ligne pour cette surveillance sur le terrain", explique l'exposé des motifs.
Inquiétudes sur la maintenance du parc nucléaire
En arrière plan, l'amendement vise aussi, conformément au droit européen, le maintien de ressources humaines qualifiées et compétentes afin d'assurer la sûreté du parc nucléaire français.
Alors qu'EDF doit renouveler une part importante de ses effectifs, le risque d'affaiblissement des compétences de l'entreprise inquiète l'inspecteur général pour la sûreté nucléaire et la radioprotection (IGSN) d'EDF autant que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Tous deux constatent un allongement des arrêts de tranche pour maintenance et surtout un nombre très élevé d'événements significatifs pour la sûreté associés aux non-qualités de maintenance. Selon l'ASN, les problèmes de qualité de la maintenance sont à l'origine de la moitié des 700 événements significatifs pour la sûreté déclarés chaque année par EDF.
L'adoption de ce nouvel article, après les avis favorables du gouvernement et du rapporteur, n'est pas une surprise. "Nous avons eu une discussion en commission à ce sujet", a rappelé Philippe Plisson (SRC, Gironde), rapporteur du titre VI du projet de loi, précisant que "Denis Baupin [Vert, Paris] a revu son amendement". Selon Ségolène Royal, cette nouvelle rédaction préserve "un juste équilibre entre l'autonomie industrielle et les préoccupations de sûreté".
Par ailleurs, l'ajout de ces dispositions était prévu dans la directive 2014/87 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires.
Le suivi médical des nomades du nucléaire
Un autre amendement, présenté par Denis Baupin et François Brottes (SRC, Isère et président de la commission spéciale), inclut les "salariés exerçant ou ayant exercé une activité de sous-traitance dans l'industrie nucléaire" à l'article du code du travail autorisant le gouvernement à déterminer par décret les règles relatives à l'organisation, au choix et au financement du service de santé au travail ainsi qu'aux modalités de surveillance de l'état de santé de certains travailleurs. Concrètement, les salariés des sous-traitants devraient être suivis tout au long de leur carrière par un médecin référent unique.
"Les travailleurs nomades du nucléaire ont vocation à le rester longtemps puisque ce sont souvent les mêmes équipes de sous-traitants qui circulent à travers le pays, en fonction des arrêts de centrales pour maintenance", a expliqué François Brottes, ajoutant qu"il [est] utile de conforter l'action de la médecine du travail en prévoyant un médecin du travail référent pour l'ensemble de ces travailleurs, y compris lorsqu'ils auront terminé leur carrière puisque la question de leur suivi après leur retraite se pose".
La commission d'enquête relative aux coûts du nucléaire avait déjà souligné que "le suivi médical des travailleurs extérieurs qui se déplacent de site en site dépend, sauf exception, du médecin du travail relevant de leur employeur, ce qui peut constituer un obstacle à un suivi efficace", rappelle l'exposé des motifs.
En revanche, l'amendement d'André Chassaigne (PC, Puy-de-Dôme), précisant que les garanties collectives des salariés de l'énergie bénéficient aussi aux sous-traitants du nucléaire a été rejeté. De même, un amendement proposé par Denis Baupin et visant à faire bénéficier les travailleurs du nucléaire du compte pénibilité pour le calcul des annuités de retraite a été lui aussi rejeté.