Alors que le ministère de l'Ecologie vient d'ouvrir une consultation générale sur les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu jeudi 19 décembre 2013 une décision qui remet en cause le mécanisme de soutien actuel de la France à la production d'électricité d'origine éolienne.
Une aide d'Etat
La législation française prévoit que les producteurs d'électricité d'origine éolienne bénéficient d'une obligation d'achat de l'électricité à un prix supérieur à celui du marché. Ce mode de financement engendre donc des surcoûts pour les distributeurs d'électricité, EDF en tête. Or, ces surcoûts font l'objet d'une compensation intégrale financée par des contributions dues par les consommateurs finals d'électricité.
L'association Vent de Colère et onze autres requérants, opposés au développement de l'énergie éolienne, considéraient ce mécanisme de financement comme une aide d'Etat et avaient par conséquent demandé au Conseil d'Etat l'annulation de l'arrêté ministériel de 2008 fixant les conditions d'achat de l'électricité d'origine éolienne.
Ce dernier avait toutefois sursis à statuer afin de connaître préalablement la position de la CJUE afin de savoir si ce mécanisme constituait une "intervention de l'Etat". Question à laquelle la juridiction européenne vient de répondre par l'affirmative, suivant en cela les conclusions de son avocat général rendues le 11 juillet dernier. "La qualification définitive de cette mesure en tant qu'« aide d'Etat » incombera au Conseil d'Etat", précise le communiqué de la Cour. Mais les jeux semblent faits. D'autant que la CJUE a refusé à la France sa demande visant à différer les effets de sa décision.
Les professionnels de l'éolien retiennent leur souffle
"La décision de la Cour de justice de l'Union européenne déclenche le compte à rebours (…). Les 11.000 employés de l'éolien français retiennent leur souffle", réagit Frédéric Lanoë, président de France Energie Eolienne, qui alerte le Gouvernement sur l'urgence de la situation.
L'annulation du tarif d'achat par le Conseil d'Etat, d'ici environ deux ou trois mois, ne fait maintenant guère de doute mais l'association professionnelle estime qu'il s'agit d'une question de pure forme et que le niveau même du tarif d'achat, "réputé juste par nombre d'observateurs", n'est pas remis en question. Reste que l'annulation de l'arrêté tarifaire pourrait entraîner la disparition momentanée du tarif d'achat. Or, "l'incertitude est délétère", insiste FEE.
Très inquiet également, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) demande au Conseil d'Etat de faire en sorte que l'annulation, "si elle devait avoir lieu", n'ait pas un caractère rétroactif. "Alors que la filière vit une période extrêmement difficile qui se traduit par un net décrochage par rapport à la trajectoire de développement nécessaire à la transition énergétique, cette décision est de nature à générer un chaos économique si le Conseil d'Etat devait annuler rétroactivement l'arrêté attaqué", alertent Jean-Louis Bal et Jean-Baptiste Séjourne qui président aux destinées du syndicat.
Une annulation différée permettrait à l'Administration, expliquent-ils, de prendre un nouvel arrêté avec l'accord de la Commission européenne afin d'éviter toute discontinuité dans le dispositif de soutien. Le gouvernement français a en effet notifié formellement le tarif éolien à l'exécutif européen en octobre dernier.
Aussi, FEE appelle-t-elle la Commission à rendre sa décision sans tarder afin que le Gouvernement puisse prendre un nouvel arrêté tarifaire "seul à même de rassurer les investisseurs". En jeu ? Plusieurs milliards d'euros d'investissements et des milliers d'emplois, selon les syndicats professionnels.
La demande est toute autre du côté de Vent de colère qui, fort de cette décision, réclame maintenant à l'exécutif européen une enquête afin que soient déterminés et remboursés les bénéfices excessifs captés par les investisseurs éoliens en France. "Ce qui a été présenté depuis 2001 comme une incitation au développement des énergies renouvelables est en réalité une aubaine financière fonctionnant à guichet ouvert aux frais des consommateurs", s'indigne la fédération qui indique combattre aux côtés de plus de 900 associations locales.