Ce projet pilote consiste en une unité de production de vapeur dans l'usine de traitement de gaz de Lacq. La combustion dans cette unité sera réalisée à l'oxygène au lieu de l'air, ce qui permet d'obtenir un flux concentré de CO2 plus facile à capter. Après purification, le CO2 sera comprimé et transporté par un gazoduc sur l'ancien gisement de Rousse, à 30 kilomètres de Lacq, où il sera injecté par un puit existant, dans une formation rocheuse à une profondeur de 4.500 mètres. Le site a été choisi après des études préliminaires menées en 2006 et présentant selon le pétrolier de solides garanties de pérennité. Ce projet illustrera la contribution que le captage et le stockage de CO2 peuvent apporter à la réduction des émissions de gaz à effet de serre des installations industrielles, a souligné Christophe de Margerie, le Directeur Général Exploration-Production de Total dans un communiqué. Il représente la première chaîne intégrée de captage de CO2 par oxycombustion associée à un stockage dans un ancien gisement terrestre d'hydrocarbures.
Réalisé en partenariat avec Air Liquide qui fournit les technologies d'oxycombustion, l'Institut Français du Pétrole (IFP) et le Bureau de Recherche Géologique et Minière (BRGM), ce projet coûtera près de 60 millions d'euros. Les premières injections de CO2 sont prévues en novembre 2008, pour atteindre, selon Total jusqu'à 150.000 tonnes de CO2 en deux ans.
La combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) dans les transports, la production d'électricité et l'industrie ainsi que l'habitat, sont les principales sources de rejets de CO2 dans l'atmosphère. La capture à la source du CO2 des grands sites de production d'électricité et d'industrie lourde pour le piéger dans le sol de manière à enrayer le réchauffement climatique constitue actuellement une voie de recherche en complément d'actions d'efficacité énergétique et de diversification des sources d'énergie pour stabiliser la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
Trois voies technologiques sont en compétition. La technique de la postcombustion (1), le principe de l'oxycombustion (2), utilisé dans le projet développé par Total et la technique de précombustion (3). Ces différentes expérimentations de captage et stockage du CO2 sont menées au niveau international notamment aux États-Unis, au Japon, en Europe et en France. La première expérience à grande échelle de stockage dans un aquifère salin a été engagée en mer du Nord où, depuis 1996, le pétrolier norvégien Statoil injecte du CO2 par an dans un aquifère salin situé sous le fond de la Mer du Nord (4). Le gaz naturel exploité est essentiellement constitué de méthane mais contient aussi de 4 à 10 % de CO2. Pour respecter les critères de vente, le gaz naturel doit être traité pour diminuer sa teneur en gaz carbonique à 2,5 %. Cette opération est réalisée en offshore. Le gaz naturel produit est acheminé sur une autre plate-forme pour en extraire le CO2 (procédé d'absorption par des amines). Ce dernier est alors directement injecté dans le plus grand aquifère salin local, à près de 1000 mètres sous le plancher océanique, dans la formation des sables d'Utsira. Chaque année un million de tonnes de CO2 est enfoui dans le sous-sol marin, au lieu d'être rejeté dans l'atmosphère comme cela se pratique habituellement. Les frais d'injection sont compensés par l'existence en Norvège d'une taxe sur les émissions de CO2 offshore.
En Pologne, le projet européen Recopol (5) vise à stocker du CO2 dans une veine de charbon. Dans le cadre du projet européen Castor (6), coordonné par l'IFP et financé à hauteur de 8,5 M€ par la Commission européenne (6eme PCRD), la technique de la postcombustion, qui s'intègre aux installations existantes en prélevant le CO2 au niveau de la cheminée des usines, est expérimentée au Danemark pour tenter de diminuer le coût de capture du CO2 car d'importants progrès apparaissent nécessaires pour rendre la filière économiquement attractive. L'objectif stratégique du projet Castor est de permettre à terme la capture et le stockage géologique de 10 % des émissions européennes de CO2, soit 30 % des émissions des installations industrielles de grande taille (centrales électriques thermiques principalement).
Un rapport spécial du GIEC (Groupe International d'Experts sur le Climat) diffusé en septembre 2005 a examiné le rôle que peut jouer le captage et le stockage du CO2 dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ce rapport a montré que ces technologies pourraient abaisser de 30 % ou plus le coût de la lutte contre les changements climatiques. De plus, le stockage du CO2 dans des formations géologiques pourrait représenter 15 à 55 % de la totalité des réductions d'émissions requises (entre 220 et 2 200 milliards de tonnes de CO2) d'ici à 2100 pour pouvoir stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
Aujourd'hui toutefois, cette technologie se heurte d'une part, à des coûts relativement élevés dont le montant global comprenant le captage, la compression, le transport et le stockage, est évaluée entre 40 et 70 $/t de CO2 et d'autre part, à l'incertitude concernant le comportement du CO2 dans les structures géologiques pendant des milliers d'années. Une fois séquestré, le principal risque est la fuite du CO2, accompagnée d'une pollution locale due à un taux de CO2 excessif.
(1) La post-combustion, technique la mieux maîtrisée des trois mais aussi la plus coûteuse, convient aux installations existantes. Elle consiste à séparer le CO2 contenu dans les fumées de combustion, le plus souvent, par l'usage d'un solvant liquide tel que la Mono Ethanol Amine (MEA).
(2) L'oxycombustion, encore au stade de démonstration, permet de produire un gaz de combustion très concentré en CO2 (de 80 % à 90 % en volume) et pourrait être adaptée aux installations existantes. Pour cela, la combustion doit avoir lieu avec de l'oxygène au lieu de l'air habituellement utilisé, la principale difficulté étant la production d'oxygène par séparation d'air. Cette étape de séparation de l'oxygène de l'air étant particulièrement coûteuse, la voie de la « Boucle chimique » est envisagée. Cette dernière se fonde sur l'apport d'oxygène par réaction sur oxyde métallique, c'est-à-dire sur utilisation d'un ion métallique tel que de la limaille de fer pour transporter l'oxygène de l'air vers le combustible.
(3) Les techniques de pré-combustion prévoient le captage du carbone en amont des installations avant toute combustion. On parle aussi de décarbonisation. Il s'agit de transformer le combustible fossile en hydrogène, en isolant au passage le CO2. Pour cela, le combustible est transformé en gaz de synthèse, constitué par un mélange de CO et d'hydrogène par vaporéformage en présence d'eau ou par oxydation partielle en présence d'oxygène. Puis le CO présent dans le mélange réagit avec l'eau pour former du CO2 et de l'hydrogène. Le CO2 est alors séparé de l'hydrogène dans de bonnes conditions et l'hydrogène peut être utilisé pour produire de l'énergie sans émission de CO2. Il s'agit toutefois d'une technologie complexe dont le rendement global est encore médiocre. Des progrès technologiques sont nécessaires pour améliorer les rendements à chaque étape du traitement en amont de la combustion et pour mettre au point des turbines spécifiques adaptées à la combustion hydrogène.
(4) http://www.statoil.com/statoilcom/SVG00990.NSF/web/sleipneren?opendocument
(5) http://www.nitg.tno.nl/eng/projects/recopol/index.shtml
(6) http://www.co2-castor.com/