Dans la nuit du mercredi 30 septembre au jeudi 1er octobre, les députés ont débuté l'examen en plénière du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Après avoir amendé le texte en commission spéciale en fin de semaine dernière, les députés auront 6 jours, du 6 au 8 octobre et les 10 et 14 octobre, pour passer en revue les quelque 2.500 amendements déposés. Si de nombreux observateurs estiment que les débats devraient inévitablement déborder du calendrier prévu, rien n'indique que ce soit le cas, le texte étant étudié dans le cadre de la procédure du "temps législatif programmé" (voir encart), qui limite le temps de parole des groupes.
Le temps législatif programmé
Le "temps législatif programmé" a été introduit avec la réforme de 2009 du règlement de l'Assemblée. Dans les grandes lignes, la procédure fixe une durée maximale pour l'examen de l'ensemble d'un texte. En général, elle est comprise entre 30 et 50 heures. En contrepartie, l'opposition dispose de 60% du temps disponible.
Le temps de parole est attribué aux groupes parlementaires selon leur effectif, les non-inscrits disposant d'un temps de parole spécifique. Les présidents de groupe disposent d'un temps supplémentaire et les prises de parole des rapporteurs et du président des commissions saisies sur le projet de loi ne sont pas décomptées de celui de leur groupe politique.
Une fois qu'un groupe a épuisé son temps de parole, ses membres ne peuvent plus s'exprimer et leurs amendements sont mis au vote sans qu'ils puissent les défendre. Certaines situations particulières permettent néanmoins d'allonger à la marge la durée des débats.
Enfin, chaque député dispose de cinq minutes d'explication de vote personnel à l'issue de l'examen des articles.
Un texte idéologique
Le groupe UMP a voulu expliciter son opposition au texte en déposant, en vain, une motion de rejet préalable défendue par Michel Sordi. Dénonçant des politiques énergétiques européennes "marquées par un mélange de bonnes intentions et de mauvais calculs", le député du Haut-Rhin a jugé que le texte "n'est peut-être pas à la hauteur des enjeux", à savoir réduire les émissions de CO2, protéger "les emplois actuels", renforcer les exportations et la compétitivité, augmenter la sécurité énergétique et préserver le pouvoir d'achat des Français. Plutôt que de construire "à partir de notre mix énergétique actuel", le projet de loi "[fixe] un seuil idéologique de réduction de la consommation d'énergie ou des objectifs a priori", critique l'UMP. En bref, "la majorité et le Gouvernement sont pris au piège entre les promesses de campagne de l'actuel Président de la République et ceux qui, au parti socialiste, ne souhaitent pas remettre en cause le nucléaire", estime l'opposition.
Plus concrètement, la droite reproche au projet de loi de ne pas évoquer les financements annoncés par le gouvernement - de l'ordre de 10 milliards d'euros -, de proposer un objectif de réduction de la part du nucléaire "impossible à réaliser", de mettre ainsi en péril la filière en "fermant prématurément nos centrales", ou encore de ne pas rouvrir le dossier du gaz et des huiles de schiste en lançant un inventaire des ressources potentielles.
Sans grande surprise, l'élu alsacien a longuement pris pour exemple la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin). "Quel gâchis humain, quel gâchis financier !", s'est exclamé Michel Sordi avant d'interpeler la ministre : "je sais, madame la ministre, que vous comprendrez mon discours, vous qui vous êtes battue comme une lionne, dans votre région, pour défendre vos entreprises et vos emplois."
Le temps de débat en plénière bien encadré
Les manœuvres de procédure ne se sont pas limitées à cette première motion. Après avoir critiqué le fond, l'UMP a attaqué la forme avec une demande de renvoi en commission défendue par Martial Saddier, député de Haute-Savoie.
Déjà, à l'occasion des questions au gouvernement qui ont précédé le début de l'examen du texte, Julien Aubert, député UMP du Vaucluse, avait déploré les conditions de travail des parlementaires, compte tenu notamment de la procédure accélérée qui restreint les débats parlementaires à une lecture par chambre. "Le Gouvernement a pris deux années pour se concerter avec la société civile, mais il a laissé deux semaines au Parlement pour en débattre", a-t-il résumé, ajoutant que l'application du temps législatif programmé "privera [le Parlement] d'un débat sur la moitié du texte probablement".
Après avoir cité le Chef de l'Etat pour qui la loi de transition énergétique "sera l'un des textes les plus importants du quinquennat", Martial Saddier a lui aussi vivement critiqué l'usage des deux procédures parlementaires. Par ailleurs, l'élu haut-savoyard a dénoncé un calendrier entrecoupé par les élections sénatoriales (les députés sont des grand électeurs), les journées parlementaires, ainsi que la niche parlementaire du 9 octobre (1) . Bien sûr, l'élu est revenu longuement sur les travaux de la commission spéciale menée au pas de charge : après avoir examiné 1.300 amendements en trois jours, les députés de la commission en ont étudié plus de 1.000 samedi, dernier jour des discussions.
En conséquence, il a demandé un renvoi du texte en commission afin d'examiner… "uniquement les 1.027 amendements restant", c'est-à-dire les amendements discutés samedi dernier en l'absence des députés UMP, mais aussi des élus UDI, communistes et radicaux. Comme la précédente, la motion a été rejetée.