Une étude de l'OCDE plaide pour une taxation des transports sur la base de l'utilisation des routes, plutôt que la consommation de carburant. L'argument principal est l'efficacité fiscale dans un contexte marqué par une baisse attendue de la consommation de carburant. L'enjeu est de taille, tant la fiscalité des carburants pèse dans le budget de certains Etats membres de l'Organisation.
Ce rapport (1) , qui s'apparente à un plaidoyer en faveur de l'écotaxe, a été publié le 5 juin, alors que le parlement français étudie le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM). A cette occasion les sénateurs se sont inquiétés du manque de financements publics dédiés aux infrastructures, suite à l'abandon de l'écotaxe en 2014. Quant aux associations environnementales (2) , elles ont publié une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron dans laquelle elles réclament "la mise en œuvre progressive d'une redevance kilométrique à destination des poids lourds". Celle-ci devrait "[être] pilotée par les régions souhaitant l'expérimenter [et] leur assurera, à terme, une ressource pérenne et dynamique", estiment les ONG. L'Organisation des transporteurs routiers européens (Otre) estime pour sa part que "taxation des poids lourds au kilomètre, soutenue par certains politiques, ne changera rien au comportement des donneurs d'ordres et n'aura aucun impact sur la transition énergétique". Elle défend plutôt l'instauration "d'une contribution à la charge des donneurs d'ordre en matière de transports en fonction du volume d'émissions de CO2 des prestations de transports utilisées".
Redevances basées sur la distance
La principale mesure préconisée par l'étude de l'OCDE consiste à réduire progressivement la taxation du carburant au profit d'une taxation de l'utilisation des routes. Aujourd'hui, la technologie permet de taxer l'utilisation du véhicule, plutôt que la consommation de carburant. Deux modes de taxation des routes sont privilégiés par l'Organisation : les redevances basées sur la distance parcourue et l'instauration de péages urbains. Pour l'OCDE, la clé du succès réside dans la maîtrise de la concurrence fiscale que se livrent les Etats et dans le calibrage des dispositifs (notamment pour tenir compte des coûts élevés d'investissement et de fonctionnement des télépéages).
"Les tarifications en fonction des distances sont particulièrement prometteuses si elles diffèrent d'un véhicule à l'autre en fonction de leur profil d'émission et si elles sont plus élevées là où l'exposition aux émissions est plus grande", résume l'étude. L'OCDE note qu'une introduction progressive de taxes basées sur les distances est en cours en Europe pour le secteur du transport routier. "On peut s'attendre à ce que les redevances couvrent des zones de plus en plus vastes et incluent à l'avenir les voitures particulières ainsi que les camions." Mais le sujet est "politiquement sensible", concède l'OCDE. L'Organisation prend d'ailleurs en "exemple" l'abandon de l'écotaxe poids-lourds française intervenue après l'adoption des textes règlementaires et l'installation de l'infrastructure de contrôle et de collecte.
Une option pour augmenter les recettes fiscales
Le rapport de l'OCDE s'adresse à Bercy plutôt qu'au ministère de la Transition écologique, tant l'argumentaire est économique. L'OCDE explique que le déploiement des véhicules électriques et l'amélioration des véhicules thermiques devraient logiquement aboutir à une diminution de la consommation de carburant et donc des recettes fiscales associées. S'agissant de la France, l'objectif est même d'interdire la vente de véhicules thermiques neufs en 2040, rappelle l'étude. L'enjeu est de taille, explique l'OCDE qui souligne que dans certains pays, tels que l'Italie, le Danemark, la Finlande ou la Grèce, les recettes provenant des taxes sur l'énergie (principalement les taxes sur les carburants routiers) représentent plus de 2 % du PIB.
Compte tenu de l'importance du sujet pour les recettes publiques, l'Organisation "appelle les gouvernements à repenser leur politique fiscale sur le transport routier". Surtout que la nouvelle architecture suggérée par l'étude "permettrait en soi d'augmenter les recettes dans presque tous les cas". Cette efficacité fiscale accrue provient du fait que les redevances liées à l'usage peuvent être appliquées même lorsque les coûts externes liés à l'utilisation des routes sont très faibles. En claire, dès lors que le coût de collecte est maîtrisé, il est possible de taxer l'usage des routes, même dans les zones ou les externalités négatives des transports routiers sont limitées (telles que les zones non urbanisées où la pollution a peu d'impact sanitaire, où la congestion est faible, etc...). La réforme fiscale proposée permettrait aussi de mieux refléter les coûts environnementaux du transport routier, et notamment les émissions de gaz à effet de serre (GES), la pollution atmosphérique ou l'usure des infrastructures. Mais ce n'est pas l'enjeu majeur, car dans certains pays, les taxes sur les carburants facturent adéquatement ces coûts externes.