Mardi 25 janvier 2011, le rapport du groupe d'experts européens sur les carburants du futur pour les transports (1) a été présenté à la Commission européenne. Selon les experts, "les carburants alternatifs disposent du potentiel nécessaire pour remplacer progressivement les sources d'énergie fossiles et rendre le transport durable d'ici à 2050." Cependant, le rapport ne propose pas un programme détaillé et chiffré permettant la sortie progressive de l'ère du pétrole. Il offre plutôt un passage en revue des énergies de substitution et propose une hiérarchie en fonction de la maturité technologique et des infrastructures disponibles.
Prélude à l'initiative "transports propres" de la Commission européenne
Le rapport du groupe d'experts devrait servir de base à l'"initiative stratégique pour des systèmes de transport propres" que la Commission devrait présenter en 2011 et qui vise à élaborer une stratégie à long terme répondant totalement à la demande en énergie du secteur des transports au moyen de sources alternatives et durables d'ici à 2050. En effet, il propose une feuille de route pour la période 2010-2050 et liste une série de mesures très générales pour la période 2010-2020. S'agissant des actions à entreprendre dans la décennie à venir, le document les classe en quatre catégories : les actions de politique générale, comme le développement d'un cadre stable et prévisible, les travaux législatifs, tels que l'internalisation des coûts associés aux émissions de CO2, les mesures d'incitation, à l'image d'une application du principe pollueur payeur, et le soutien à la recherche et au développement de nouvelles technologies, comme l'élaboration d'un agenda de recherche européen.
Le constat de départ formulé par les experts est simple : le transport, en particulier routier, est dominé par l'usage des produits pétroliers et les réserves prouvées sont estimées à environ 40 ans par la dernière évaluation des ressources énergétiques mondiales réalisée par la compagnie BP en juin 2010. Par ailleurs, malgré l'amélioration de l'efficacité énergétique des véhicules neufs vendus dans l'Union, les émissions de CO2 associées aux transports ont augmenté de 24% entre 1990 et 2008 pour atteindre 19,5% des émissions de gaz à effet de serre des 27.
Le bouquet énergétique proposé est le fruit d'une "stratégie globale couvrant l'ensemble du secteur des transports" qui se base principalement sur l'usage de l'électricité, via les batteries, l'accès direct au réseau électrique et les piles à combustible fonctionnant à l'hydrogène, et de biocarburants.
À cette option principale, les experts ajoutent une "solutions intermédiaires" avec l'usage de carburants de synthèse produits progressivement à partir de sources variées, un "carburant complémentaire" issu du gaz naturel et du biogaz et un "carburant d'appoint" avecle gaz de pétrole liquéfié (GPL). Si les experts jugent que "les carburants alternatifs constituent la meilleure solution pour décarboniser les transports", des doutes persistent néanmoins quant à la propagation des différents carburants et technologies présentés dans le rapport. En effet, il apparaît que la "viabilité technique et économique, l'utilisation efficace des sources d'énergie primaire et la réaction du marché seront déterminantes" pour concrétiser la transition élaborée par les spécialistes.
L'électricité, l'hydrogène et les agrocarburants constituent l'option principale
Les experts estiment qu'étant donné que l'électricité et l'hydrogène peuvent être produits à partir de toutes les énergies primaires, ils constituent l'"option principale" du scénario de sortie de l'usage des produits pétroliers. Trois technologies permettent cette transition. Il s'agit tout d'abord des batteries électriques ou du branchement direct sur le réseau. La première solution est réservée au transport routier sur de petites distances alors que la seconde n'est valable que pour le rail. "Le développement de batteries performantes et compétitives, ainsi que de l'infrastructure permettant la recharge est de la plus haute priorité", note le rapport.
La deuxième solution proposée se base sur le développement de pile transformant l'hydrogène en électricité directement à bord des véhicules. Comme pour l'utilisation de l'électricité, l'usage de cette technologie serait limitée aux transports sur de courtes distances et reste dépendant du développement de piles à combustible performantes et d'infrastructures de distribution d'hydrogène. Des développement "hautement prioritaires", jugent là encore les experts.
Enfin, le dernier mode d'utilisation de l'électricité se base sur le développement des transports en commun, que ce soit le train, le métro, le tramway ou les bus électriques alimentés par le réseau électrique.
Quant aux agrocarburants leur intérêt, selon les experts, réside dans le fait que "techniquement ils peuvent se substituer au pétrole pour tous les modes de transport." Cependant le rapport note que "la production d'agrocarburants à partir de plantes vivrières ou énergétiques est limitée par les terres disponibles, la ressource en eau, leur rendement énergétique et des considérations de durabilité telles que l'analyse du cycle de vie […] et les agrocarburants de deuxième génération basés sur des déchets et des résidus de productions sont aussi limités par la disponibilité de ces produits." La solution proposée par les experts européens, qui constitue là aussi une priorité, passe par le développement du potentiel des matières premières utilisées et l'optimisation des méthodes de production.
Le charbon et le gaz naturel font partie des solutions proposées
S'agissant des substituts au diesel et au carburant des avions, le rapport propose de développer les carburants synthétiques produits à partir de différentes sources : liquéfaction de la biomasse (biomass to liquid - BTL), liquéfaction du charbon (coal to liquid - CTL), liquéfaction du gaz (gas to liquid - GTL) et les huiles végétales hydrotraitées (hydrotreated vegetable oils - HVO). L'usage de ces carburants ne nécessite pas de modification des infrastructures et véhicules actuels, ce qui constitue leur principal avantage. Néanmoins, les procédés de liquéfaction, et tout particulièrement le CTL, doivent être améliorés pour réduire leurs empreintes carbones.
Le méthane, que ce soit le gaz naturel ou le biogaz produits à partir des déchets et de la biomasse, pourrait être utilisé tel quel par des véhicules spécifiques ou sous forme liquéfiée. De même le gaz de pétrole liquéfié (GPL), un sous-produit du raffinage de pétrole, présente l'intérêt d'être le carburant alternatif le plus répandu en Europe, avec 3% du parc automobile l'utilisant, et bénéficie de l'existance d'une infrastructure de distribution. Cependant, le but de l'étude étant de proposer des substituts au pétrole, il ne peut constituer qu'un des carburants d'appoint.