L'Union nationale de l'apiculture française (Unaf), syndicat "représentant 22.000 apiculteurs en métropole et outre-mer", a critiqué ce mardi 12 février le plan présenté par le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll visant à structurer une filière apicole "durable" d'ici 2015, le jugeant "insuffisant".
Si le syndicat apicole a fustigé "des chiffres erronés du ministère" en matière de production nationale et de recensement des apiculteurs, il a également pointé devant la presse le manque d'ambition du financement du plan à hauteur de 40 millions d'euros sur trois ans alors que sur cette période "30 millions d'euros seront issus des aides européennes", a souligné Olivier Belval, président de l'Unaf en appelant le ministère à débloquer ces 40 millions d'euros en supplément.
Côté statistiques de la filière : selon la fédération, la production apicole nationale a encore chuté en 2012 pour "atteindre à peine les 16.000 tonnes" contre les 18.500 annoncées par le ministère… et loin des "32.000 tonnes" produites en 1995. En revanche, l'Unaf recense une "augmentation du nombre d'apiculteurs" qui seraient aujourd'hui "environ 70.000" et non pas "40.000 apiculteurs" comptés par le ministère.
Su ces 70.000 apiculteurs, plus de 50.000 petits producteurs détiendraient moins de dix ruches. Le pays ne compterait également que 2.000 professionnels (contre 1.600 recensés par le ministère), mais ces derniers concentreraient plus de 50% du cheptel, ajoute l'Unaf. La raison de la disparité de ces chiffres ? "Des difficultés de statistiques fiables liées à la complexité du système déclaratif de ruches", a souligné Henri Clément, porte-parole du syndicat apicole. Un problème que le nouveau plan apicole entend résoudre via "un retour à la simplification des déclarations" : l'une des mesures du plan "qui va dans le bon sens", selon M. Belval.
Mais le président de l'Unaf a de nouveau dénoncé "un recul" du ministre "préférant attendre l'avis des Etats membres" pour interdire les insecticides néonicotinoïdes (la clothianidine, l'imidaclopride et le thiaméthoxam) sur le marché français pointés par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) alors que ces pesticides sont responsables "pour une part prépondérante de l'hécatombe depuis 1995 de plus de 300.000 colonies par an" dans l'Hexagone.
Pour Sophie Duget, vice-présidente de l'Unaf, ce plan "est insuffisant car il se limite à l'aspect économique. Or, les apiculteurs veulent que le gouvernement les aide à stopper la mortalité des abeilles dans les champs. Cela passe par une mesure concrète d'interdiction totale de ces pesticides" dont les substances sont celles qui composent le Gaucho "rémanent dans le sol" en dépit de son interdiction (1) , le Cruiser 350 de Syngenta (2) actuellement homologué en France aux côtés des insecticides néonicotinoïdes Cheyenne de Philagro (à base de de clothianidine pour traiter le maïs) ou Proteus de Bayer (à base de thiaclopride utilisé sur le colza), (3) liste l'Unaf.
Après le retrait du Cruiser OSR sur le colza mi-2012, "le ministre peut les interdire en s'appuyant sur l'avis de l'Efsa", estime Sophie Duget. D'autant que Stéphane Le Foll "avait annoncé qu'il retirerait du marché ces produits si les conclusions de l'Efsa le nécessitaient", selon elle.
"Jeter de l'argent par la fenêtre - 40 millions d'euros - sans annoncer de retrait de ces pesticides ne correspond pas à une saine gestion de l'argent public. Il faut commencer d'abord par prendre les bonnes décisions et ensuite annoncer un plan de financement", ajoute de son côté M. Belval.
A l'annonce du plan, Stéphane Le Foll a invoqué "une distorsion de concurrence" en cas de nouvelle interdiction de phytosanitaires et s'était interrogé sur les alternatives possibles sur les productions céréalières. Or, depuis 2008, souligne l'Unaf, l'Italie a déjà interdit toutes les molécules insecticides néonicotinoïdes pour les maïs et "depuis cinq ans, on n'observe aucune différence de rendement des cultures " et "on constate un recul des intoxications des abeilles et une réduction de moitié des mortalités d'hiver (de 37,5% à 15%)". (4)
"Tant que se poursuivra l'hécatombe des abeilles en France par le fait d'une agrochimie que l'autorité publique ne limite qu'à regret, installer durablement des centaines de jeunes apiculteurs chaque année apparaît comme une fausse promesse. Dès lors, votre plan serait mort-né", a prévenu l'Unaf, dans la lettre ouverte envoyée ce mardi à Stéphane Le Foll.