Les ventes annuelles de véhicules électriques, en progression de quelque 60% en 2017, ont largement franchi le million d'unités dans le monde, dont la moitié en Chine. Elles dépassent même 10% des ventes de véhicules neufs dans trois zones géographiques : en Norvège, dans les métropoles chinoises de Pékin, Shanghai et Shenzhen, et enfin dans les principales villes californiennes. 1,2 million de voitures électriques ont été vendues à travers le monde en 2017, ce qui représente 1,5% des ventes de voitures neuves.
Huit pays — Chine, Etats-Unis, Japon, Norvège, Royaume-Uni, France, Allemagne et Suède — sont à l'origine de 90% des ventes mondiales, avec un marché largement dominé par la Chine, créditée de 600.000 ventes, dont 80% de véhicules électriques à batteries (VEB) et 20% de véhicules hybrides rechargeables (VHR), souligne une note très documentée de France Stratégie publiée le 31 mai.
Force des incitations publiques
Comment expliquer cet essor ? Par les incitations des politiques publiques. Quatre pays ont fixé des objectifs d'arrêt des ventes des voitures neuves thermiques à moyen terme : les Pays-Bas en 2030, l'Ecosse en 2032, la France et le Royaume-Uni en 2040. La Norvège a annoncé son intention d'atteindre 100% des ventes de véhicules électriques en 2025 mais sans interdire la vente de véhicules thermiques. La Californie quant à elle impose des quotas de ventes de véhicules électriques aux constructeurs. La Chine devrait faire de même à partir de 2019.
Les progrès récents des batteries au lithium (avec une cathode principalement composée de nickel, de manganèse et de cobalt) ont conduit à une division par deux de leur coût. Ils permettent d'envisager, pour les véhicules particuliers neufs, des parcours de moyenne distance voisins de 250 km (pour des batteries de 40 kWh et de 150 km sur autoroute), avec une recharge de 80 % de la batterie en moins de trente minutes.
1.000 bus électriques à la RATP
Quant aux utilitaires, force est de constater que le développement des véhicules utilitaires légers électriques reste pour l'instant limité avec 80.000 véhicules vendus dans le monde en 2017, dont les trois quarts en Chine. Ce pays connaît ainsi un développement exponentiel des deux-roues électriques dont les ventes dépassent les 25 millions d'exemplaires chaque année.
En France, la RATP et Île-de-France Mobilités (ex-STIF), après avoir testé plusieurs bus électriques de marques différentes, ont lancé au début de l'année 2018 une concertation internationale pour l'acquisition de 1.000 bus électriques. À l'issue d'une précédente commande initiée en février 2017 portant sur cinquante unités, la RATP vient de retenir Bolloré avec ses Bluebus et Heuliez. Ces procédures s'inscrivent dans l'objectif de convertir toute la flotte de 4.700 bus de la RATP en électrique (pour les deux tiers) et en biogaz (pour un tiers) d'ici à 2025.
Pour accélérer le développement du véhicule électrique, France Stratégie énonce une série de préconisations. Des quotas de ventes de véhicules électriques et à faibles émissions pourraient être imposés aux constructeurs. Le maintien des aides financières actuelles reste nécessaire tant que le coût du véhicule électrique ne sera pas inférieur ou au moins équivalent à celui du véhicule thermique. Le recours à des incitations indirectes pourrait être accentué en France : gratuité des péages autoroutiers, accès gratuit aux parkings munis de bornes de recharge, tarifs de stationnement différenciés entre véhicules thermiques et électriques, autorisation d'emprunter les voies réservées.
Limites sociales et technologiques
Le véhicule électrique ne prendra toutefois son plein essor que lorsqu'il sera accessible aux ménages des déciles les plus faibles possesseurs d'une automobile. Cela suppose un net abaissement du prix des véhicules électriques : hors bonus écologique, le prix d'achat de la Zoé avec batterie est de 32.600 euros, plus de vingt-cinq fois le montant du SMIC net mensuel.
Autre obstacle : la crainte des acheteurs vis-à-vis de l'état réel de la batterie. La meilleure réponse serait que les constructeurs garantissent la batterie sur une durée de vie suffisante, par exemple de huit années, ou poursuivent sa location. Reste aussi à fournir un effort conséquent en matière de recherche et développement dans les domaines des nouveaux matériaux, du numérique et du recyclage.
Si, à moyen terme, l'Union européenne n'arrivait pas à produire ses propres batteries, elle se condamnerait à verser pour chaque voiture un coût d'importation non négligeable et serait dépendante des pays qui contrôlent les matériaux nécessaires. Cependant, sur la dimension fortement extractive de l'industrie des batteries et la disponibilités des ressources du type lithium et nickel, l'étude de France Stratégie n'apporte pas d'éclairages.
Enfin, le changement d'échelle. Il y a là un défi de taille pour tous les acteurs dans les trente prochaines années, souligne France Stratégie. Le nombre mondial de véhicules électriques rechargeables pourrait passer de 150.000 aujourd'hui à 4,5 millions dans les quinze ans à venir, ce qui représente une multiplication par trente du parc actuel. En outre, la puissance de la recharge devra augmenter avec l'accroissement de la capacité des batteries. Le développement du véhicule électrique est indissociable d'une réflexion plus globale sur le futur du système électrique.