« L'impact sanitaire et environnemental de la viande rouge peut être amélioré, en particulier via la modération dans sa consommation, sans forcément l'éliminer ». Telle est la conclusion de la note scientifique (1) que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) a adopté le 8 avril. Une note qui présente l'intérêt de faire une synthèse des connaissances scientifiques sur la question au moment où les parlementaires examinent le projet de loi relatif à la lutte contre le dérèglement climatique.
À cet égard, c'est davantage le volet portant sur l'empreinte carbone de la consommation de viande rouge que celui portant sur ses conséquences sanitaires qui retient l'attention. « L'impact indéniable de l'élevage bovin sur l'environnement stimule (…) la réflexion et l'innovation en matière d'alimentation animale ou de nouvelles pratiques agro-écologiques », souligne Antoine Herth, député du Bas-Rhin et membre de l'Opecst. Selon les chiffres de Santé publique France, 32 % de la population consommaient encore plus de 500 g de viande rouge par semaine en 2019.
Plus de 14 % des émissions de GES attribuées à l'élevage
Les auteurs rappellent que la FAO attribue à l'élevage 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d'origine anthropique en se basant sur une méthode d'analyse du cycle de vie. La production de bœuf et l'élevage laitier représentent la majorité de ces émissions. « En termes d'équivalent CO2 , le sous-secteur élevage contribue à 48 % des émissions du secteur agricole, principalement du fait du méthane (CH4) », rapportent les auteurs en se basant sur des chiffres du Citepa de 2019. Outre les émissions de CH4 générées par les fermentations entériques et les déjections, il faut aussi prendre en compte les émissions de protoxyde d'azote (N2O) liées au cycle de l'azote (engrais, déjections, émissions d'ammoniac) et celles de gaz carbonique (CO2) provenant par exemple du fioul des tracteurs ou de l'utilisation de la chaux comme amendement.
Externalités environnementales positives de l'élevage à l'herbe
Mais, dans le même temps, le cabinet de consultants relève que le potentiel de réduction reste difficile à appréhender « sans une approche systémique qui tienne compte d'autres externalités environnementales comme la biodiversité, la préservation des sols et des stocks de carbone, et le bien-être animal ». L'Opecst relève en effet une forte variabilité des émissions selon les modes d'élevage. Si l'empreinte carbone moyenne de la production de 100 g de viande de bœuf est de 25 kg en équivalents-carbone, la fourchette va de 9 à 105 kg. Des agronomes relèvent d'ailleurs les externalités environnementales positives de l'élevage à l'herbe : pouvoir filtrant des prairies par rapport au risque de pollution de l'eau, production de lait et de viande à partir de ressources fourragères non utilisables par l'homme, stockage de carbone et préservation de la biodiversité.
Les auteurs de la note rappellent à cet égard les différents leviers d'action identifiés par l'Inrae (2) : réduction du recours aux engrais minéraux, accroissement de la part de légumineuses, développement des techniques culturales sans labour, réduction des apports protéiques dans les rations animales, développement de l'agroforesterie et des haies, développement de la méthanisation. L'Opecst mentionne également d'autres pistes : amélioration génétique des races d'élevage pour réduire les émissions de méthane entérique, avancement de l'âge de vêlage des génisses, meilleure répartition du cheptel entre vaches laitières et vaches allaitantes, traçabilité des produits importés, application de mesures de réduction des émissions d'ammoniac aux bâtiments d'élevage et au stockage des effluents, etc.
La baisse de la consommation de viande accompagnée de la réduction des modes d'élevage les plus impactants semblent toutefois constituer les mesures les plus pertinentes. « Ce "moins et mieux", s'il est bien accompagné par les pouvoirs publics, se fera au profit de la santé de tous et du climat mais aussi des éleveurs, grâce à la réorientation des achats vers des élevages de qualité », souligne de son côté le Réseau Action Climat (RAC) qui a publié une note (3) sur le sujet début février.
Encore faut-il que cet accompagnement à travers le plan stratégique national, qui doit décliner la future politique agricole commune (PAC), et le projet de loi climat soient effectivement à la hauteur. Pour l'heure, ce dernier prévoit une option végétarienne quotidienne dans les cantines publiques, hors école, à compter de 2023 et un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires. Insuffisant aux yeux du RAC qui préconise de mettre en place l'alternative végétarienne quotidienne ou deux menus végétariens hebdomadaires dans toute la restauration collective, qu'elle soit publique ou privée.