Tordus, trop petits ou cabossés, certains fruits et légumes ne rentrent pas dans les cases. Du moins pas dans celles de la grande distribution, qui rivalise d'exigences pour proposer les étalages le plus clinquant possible.
D'autres circuits de distribution doivent donc être trouvés pour ces légumes de seconde catégorie, comme l'indique Olivier Halluin, producteur bio à Heudicourt, dans la Somme. « Quand on le peut, on valorise ces légumes dans une filière de transformation, par exemple pour des industriels qui coupent, surgèlent ou cuisent les légumes. Malheureusement, après, on se rabat sur des filières moins glorieuses, comme l'alimentation animale ou la méthanisation. »
Mais un autre débouché est possible pour ces légumes à l'apparence singulière. Depuis peu, l'agriculteur vend une partie de sa production à une jeune entreprise qui confectionne des paniers avec des fruits et légumes bios français hors calibre qu'elle vend via un système d'abonnement en ligne.
« On apporte à ces produits une alternative à la méthanisation ou à la transformation en alimentation animale, qui représente un revenu très faible pour les producteurs de fruits et légumes. L'autre avantage, c'est pour les clients. On vend jusqu'à 40 % moins cher qu'en magasins bios », précise Sven Ripoche, cofondateur de Bene Bono (ex-Hors Normes).
Même si les volumes achetés par l'entreprise restent modestes par rapport à ceux destinés aux industriels de la transformation, ce modèle ouvre un nouveau marché pour ces légumes avec, à la clé, une rémunération plus élevée pour l'agriculteur. « Une carotte de deuxième catégorie est vendue 35 centimes le kilo, quand une carotte qui part dans les circuits classiques l'est entre 1,20 et 1,40 euro le kilo. Quand on valorise le kilo à 1 euro avec Bene Bono, on se situe dans une fourchette intermédiaire, intéressante pour tout le monde », souligne Jérôme Pierson, responsable production à la coopérative Norabio, qui collabore avec Bene Bono.
Les légumes moches parviendront peut-être à séduire et contribueront alors à relancer la consommation de produits bios, qui tend à ralentir ces dernières années.