C'est un rapport (1) étayé par 35 auditions que les sénateurs Nicole Bonnefoy (Soc.) et Rémy Pointereau (LR) ont présenté le 19 mai devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de la Chambre haute. Son objet ? Le transport de marchandises, qualifié « d'angle mort des politiques de mobilité », face aux impératifs environnementaux.
Parmi les 40 propositions formulées par la mission d'information, plusieurs visent à limiter les nuisances générées par les poids-lourds, dont une proposition innovante consistant à mettre en place des zones de réduction des nuisances en milieu rural. Le rapport a été adopté à l'unanimité par la commission et ses propositions devraient nourrir l'examen à venir du projet de loi Climat et résilience.
Jurisprudence qui fait primer la liberté de circulation
Si la majorité des poids lourds emprunte l'autoroute, il existe des « itinéraires de fuite » utilisés par ceux qui souhaitent éviter les péages. Or, « la régulation du trafic de poids lourds se révèle particulièrement difficile à mettre en œuvre en raison d'un déficit d'information et d'une jurisprudence qui fait primer, la plupart du temps, la liberté de circulation des marchandises sur toute autre considération », constatent les auteurs du rapport.
Ceux-ci proposent donc de cartographier les principaux « itinéraires de fuite » par arrêté ministériel. À partir de cette cartographie, la mission suggère que les préfets engagent d'ici le 1er janvier 2023 une consultation des acteurs concernés (élus locaux, riverains, transporteurs…) afin de déterminer les actions permettant de réduire les nuisances : interdictions de circulation sur certains tronçons, limitations de vitesse, etc. Si cette démarche n'aboutit pas, ils proposent de mettre en place d'ici le 1er janvier 2024 des zones de réduction des nuisances liées au transport routier de marchandises (ZRN), dont le cadre juridique « s'inspirerait du modèle des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) ».
« Les ZFE-m, fondées sur le dépassement régulier des seuils de pollution de l'air, conviennent aux zones urbaines et aux grandes agglomérations, mais sont peu adaptées à la réalité rurale », estiment les rapporteurs. D'où leur volonté d' « expérimenter des solutions locales d'effets équivalents ». La création des ZRN serait obligatoire dans les zones identifiées par la cartographie lorsque les mesures de réduction des nuisances n'ont pu être mises en place. Elle serait toutefois liée à des critères « objectivables » : dépassement des seuils en matière de pollution de l'air, émissions de gaz à effet de serre, insécurité routière, nuisances sonores et congestion.
Caractère incitatif d'une écocontribution
La mission d'information estime également qu'une écotaxe, qu'elle suggère de rebaptiser « écocontribution », pourrait permettre d'inciter les poids lourds à emprunter l'autoroute plutôt que des itinéraires de report non appropriés à un trafic massif de camions. Cela tombe bien, le projet de loi Climat et résilience, tel que voté par l'Assemblée nationale le 4 mai, habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour permettre aux régions, et aux départements subissant un report de trafic, d'instaurer un tel prélèvement. Ce mercredi 26 mai, la ministre de la Transition écologique a par ailleurs présenté en Conseil des ministres une ordonnance permettant à la Collectivité européenne d'Alsace d'instaurer une taxe sur le transport routier de marchandises.
Si la relance de l'écotaxe, après l'échec de 2014, semble sur les rails, les auteurs de la mission souhaitent porter un certain nombre d'autres recommandations sous forme d'amendements au projet de loi Climat dont l'examen débute en séance au Sénat le 15 juin. Parmi celles-ci pourrait figurer la création des zones de réduction des nuisances.