Préconiser des conditions à la mise en place de nouvelles retenues de substitution : c'est l'option qu'a retenue le comité du bassin Adour-Garonne face au débat sur les stockages d'eau. Il a validé une délibération en ce sens à 82 votes pour, 14 abstentions et 3 votes contre en avril dernier. « L'objectif est de montrer les garde-fous que doivent respecter les projets pour qu'ils soient portés politiquement », explique Aude Witten, direc-trice générale adjointe chargée du programme de l'agence de l'eau Adour-Garonne.
Pour ce bassin, la question est d'autant plus sensible qu'il compte parmi les plus exposés aux évolutions climatiques. Dans le même temps, il présente à la fois des enjeux de croissance démographique, un dynamisme économique et un attrait touristique, mais également une composante fortement agricole. Le déficit en eau aujourd'hui s'élève entre 200 et 250 millions de mètres cubes à l'étiage et des projections montrent qu'il pourrait atteindre entre 1 et 1,2 milliard de mètres cubes si rien n'est entrepris.
Pour y faire face, le comité de bassin a adopté une stratégie pour économiser l'eau et tenter de garantir un accès à un volume de 850 millions de mètres cubes. Parmi les solutions retenues : la réutilisation des eaux usées ou la sollicitation des eaux pluviales, la mobilisation de gravières, l'optimisation de la gestion des canaux, la restauration de zones humides, mais également la création ou la remise en état de retenues.
Retenues multiusages et transition agroécologique
Le comité de bassin pose comme condition une approche nécessairement multiusage des retenues et dans une logique de transition agroécologique. Il souhaite également que ces ouvrages répondent aux objectifs d'économies d'eau fixés à l'échelle du bassin avec, par exemple, le développement de filières à bas niveau d'intrants. « Ce stockage de l'eau ne doit pas simplement servir à garantir les modalités de production d'aujourd'hui, mais constituer un point d'appui pour engager des transformations profondes et durables », indique Aude Witten.
Autre condition : le projet doit intégrer la question de l'accès à l'eau pour de nouveaux agriculteurs et l'équité entre générations. Le comité de bassin rappelle également que les ouvrages doivent être conçus en privilégiant la base de prélèvements dans l'hydrosystème des cours d'eau, en période de hautes eaux. Un point que salue FNE Nouvelle-Aquitaine. « Bien souvent les prélèvements qui auraient dû se faire dans les rivières, sont tout de même réalisés dans les nappes, regrette Annick Benazech. Nous remontons à la surface et nous exposons aux augmentations de température, et donc à l'évaporation, mais aussi à l'eutrophisation, une eau qui était protégée. »
Pour FNE Nouvelle-Aquitaine toutefois, une autre condition aurait également dû être introduite : la réversibilité de ces projets. « En parallèle de la conception des projets, il faudrait prévoir leur effacement dès que les autres leviers mis en œuvre auront produit leurs effets, par exemple la remise en état du fonctionnement hydrologique des milieux, note Annick Benazech. Car à coté des sécheresses climatiques qui aggravent la situation, notre gestion des milieux a occasionné des sécheresses qui sont purement anthropiques. »
Une gouvernance publique pour les choix stratégiques
Côté gouvernance, et notamment concernant les choix stratégiques comme l'affectation des volumes et du suivi des engagements pris dans le cadre du PTGE, le comité de bassin recommande un portage public. « La gouvernance publique s'appuiera sur la concertation et la validation des commissions locales de l'eau, présidées par des élus pour s'assurer que l'affectation des volumes correspond bien à ce qui était dit et validé dans le cadre du PTGE et que les engagements sont tenus et suivis dans le temps », précise Aude Witten.
Par ailleurs, le comité de bassin indique qu'il examinera tous les PTGE afin de se prononcer sur le respect de ces conditions, mais également sur celui du schéma directeur d'aménagement et de gestion de l'eau (Sdage) 2022-2027. « Nous soutiendrons politiquement les projets qui répondent à cet état d'esprit, de générer une adhésion, indique Aude Witten. Il reviendra ensuite à l'agence de l'eau de veiller dans ses contacts avec les porteurs de PTGE à ce que les projets amenés en financement répondent à ces enjeux. »
Le comité prévoit également une étude sur les effets sur le milieu que produisent les retenues de substitution sur le bassin et sur d'autres bassins français (dévoilée en septembre 2023). Conformément aux annonces du Plan eau, les résultats du plan de suivi établi par l'État seront présentés en comité de bassin chaque année.
« D'obtenir que ces retenues ne soient pas réalisées sans conditions est un moindre mal, estime quant à elle Annick Benazech. Nous restons néanmoins opposés à ces solutions. »