Ce vendredi 14 octobre, l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) publie l'édition 2022 de son panorama des financements climat (1) en France. Combien avons-nous investi dans les énergies fossiles ? Sommes-nous encore loin des investissements nécessaires pour que le pays respecte ses objectifs énergétiques et bas carbone (SNBC) d'ici à 2030 ?
En 2021, les ménages, les entreprises et les administrations publiques ont ainsi réalisé 84 milliards d'euros d'investissements en faveur du climat. Soit 18 milliards de plus qu'en 2020, après avoir résisté à la crise sanitaire. « Une bonne nouvelle, déclare Damien Demailly, directeur général adjoint chez I4CE. Elle est notamment le résultat de l'impulsion donnée par le plan de relance (de l'État), adopté au moment de la période du Covid, qui a donc permis d'avoir des moyens supplémentaires glissés en 2021 et en 2022 », souligne-t-il.
Hausse des investissements climat dans la plupart des secteurs
Les investissements fossiles ont aussi « décroché » en 2021, pour atteindre les 62 milliards d'euros. Ils ont diminué « fortement », soit 24 milliards de moins par rapport à 2019, en lien notamment avec le recul des immatriculations de véhicules thermiques (la pénurie de semi-conducteurs a impacté les ventes). Cependant, « un rebond à moyen terme reste possible » et ces investissements fossiles « doivent encore être divisés par deux d'ici à 2030, et ramenés à zéro à l'horizon 2040 » pour atteindre les trajectoires fixées par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et les scénarios « Transitions 2050 » de l'Agence de la transition écologique (Ademe) présentés en 2021, prévient Hadrien Hainaut, chef de projet investissement climat chez I4CE.
De 13 à 30 milliards d'euros de plus par an sont nécessaires
Malgré leur croissance « notable », les investissements climat restent insuffisants, estime l'Institut. « On pense que la croissance des investissements climat va continuer, mais de façon beaucoup plus modérée en 2022 et on est un peu plus inquiet concernant 2023 parce que les investissements coûtent plus chers à cause du renchérissement des matériaux, du manque de main-d'œuvre dans certains secteurs, mais aussi de la crise actuelle des prix de l'énergie, qui peut avoir un effet très délétère sur les investissements climat », ajoute Hadrien Hainaut.
Le « sous-investissement » des collectivités dans la transition énergétique
Ce 14 octobre, I4CE publie aussi une seconde étude, (2) qui révèle « le sous-investissement chronique des collectivités locales dans la transition énergétique. Elles vont devoir multiplier par deux ces investissements ces prochaines années, et dans le même temps, faire face à de nombreuses contraintes, en particulier de leurs factures énergétiques », indique Damien Demailly. I4CE estime que les collectivités devraient investir au moins 12 milliards d'euros au total chaque année, de 2021 à 2030, pour atteindre les objectifs de la SNBC. Et dans plusieurs secteurs : les aménagements cyclables, la rénovation énergétique des bâtiments publics, l'efficacité énergétique de l'éclairage public et les réseaux de chaleur urbains ou encore les bornes de recharge électrique.
« Derrière les 12 milliards d'euros d'investissements, il y a aussi le besoin de moyens humains dans les collectivités », ajoute Aurore Colin, cheffe de projet à I4CE. D'une part, pour lancer et assurer la maîtrise d'ouvrage des investissements climat, d'autre part, pour animer la dynamique de décarbonation des acteurs de leur territoire. « Ce sont au minimum 25 000 agents dédiés au pilotage des actions climat des collectivités qui seront requis pour atteindre les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone. Cela représente environ 1,5 milliard d'euros de masse salariale chaque année », estime Mme Colin.
Le gouvernement va notamment mettre en place un Fonds vert, doté de 2 milliards d'euros en 2023, pour financer les projets écologiques des collectivités territoriales. Toutefois, « il va falloir que l'État et les collectivités locales musclent leur jeu dès 2023 et dans les années qui viennent (pour accélérer) leurs investissements climat », réaffirme Damien Demailly. D'autant que « le plan de relance va arriver à échéance. Qu'est-ce-qui va se passer en 2024 ? On ne dispose toujours pas d'informations de la part de l'État sur la programmation de ses investissements sur l'ensemble du quinquennat, et pas de nouvelles de l'engagement d'Emmanuel Macron d'investir 50 milliards de plus pour la transition écologique durant le quinquennat », souligne M. Demailly.