« La crise est une crise de la conscience », « Il n'y a pas de Plan B », « La Nature ne fait pas de compromis »... Banderolles et slogans se bousculent au-dessus de la foule compacte qui s'amassait samedi en début d'après-midi sur la place Christianborg, devant le palais où siège le Parlement danois. Ambiance bon enfant, moyenne d'âge peu élevée, des bébés contemplent la foule, les yeux écarquillés, depuis leur nacelle montée à l'avant des vélos de parents venus participer à la manifestation. « J'ai décidé d'être nu », arbore un homme déguisé en ours ayant abandonné sa peau, car « il fait trop chaud ». Un Yes Men en combinaison gonflable circule, clin d'œil à l'hilarante combinaison de survie anti-catastrophe du documentaire satirique. La foule continue de se presser sur la place, sous les harangues lancées depuis la tribune, où se relaient les porte parole internationaux des grandes ONG, de Greenpeace aux Amis de la Terre. ''Le monde veut un vrai traité pour protéger le futur de nos enfants ! Les négociateurs doivent cesser de jouer à un poker politique avec l'avenir de notre planète ! Ce ne sont pas des milliards, mais des trilliards de dollars qui ont été mobilisés pour renflouer les banques ! Alors nous sommes sûrs que vous allez pouvoir trouver des milliards pour sauver notre planète ! Nos leaders doivent réaliser que nous sommes tous des Etats insulaires, nous sommes tous confrontés au péril de l'inaction face à l'urgence ! Alors oui Monsieur Obama, nous disons : oui nous pouvons, oui nous devons, oui nous ferons !''. Deux hélicoptères surplombent la foule, en position fixe, prêts à suivre la marée humaine.
Les animateurs appellent les organisations à se mettre en cortège et lancent une bande son digne d'une technoparade, tandis que les manifestants échangent des « free hugs » (des embrassades) avant de se mettre en marche. Une cohorte d'une centaine de black blocks vêtus de noirs et cagoulés, armés de pavés et de battes, fait alors irruption dans la foule. Quelques centaines de mètres plus loin, ils lancent des projectiles sur le bâtiment du ministère des affaires étrangères. Un policier est blessé. La manifestation est bloquée par un déploiement policier impressionnant, puis déviée. Dans Amager Brodgade, avenue soudain désertée, les CRS locaux ont procédé à l'arrestation de plusieurs centaines de personnes, amassées sur le trottoir et contraintes de rester assises dans le froid pendant plusieurs heures. L'avant veille, un animateur de l'association Sortir du nucléaire, Jocelyn Peyret, a été expulsé du territoire danois pour avoir porté sur lui un opinel dont la lame mesurait plus de sept centimètres. Les lois d'exception ont permis de le retenir pendant une trentaine d'heures en garde à vue, pieds nus et dépouillé de ses affaires personnelles, dans une des cages spécialement prévues pour les arrestations liées à la COP 15, dans les sous-sols du commissariat central.
Malgré ces incidents, la manifestation est parvenue à destination, le Bella Center, à six kilomètres du centre ville. La foule ne peut s'approcher du bâtiment, auxquels seules les personnes accréditées peuvent accéder. En ville se déroule le off du sommet, au Klimaforum, ouvert à tous de l'aube à minuit. Dans une plénière bondée, les marchés carbone, thème de prédilection du sommet officiel, sont dénoncés comme « une dangereuse obsession, un rideau de fumée pour cacher l'inaction ».