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« Nous voulons générer une force civile d'action pour la transition juste »

Rassembler un milliard d'euros à investir dans la transition écologique « juste » : c'est l'objectif de l'Opération Milliard, lancée le 26 mars dernier. Précisions de Violaine Pierre, chargée de la coordination du mouvement.

Interview  |  Gouvernance  |    |  N. Gorbatko
   
« Nous voulons générer une force civile d'action pour la transition juste »
Violaine Pierre
Chargée de l'engagement et de la coordination de l’Opération Milliard.
   

Actu-Environnement : En quoi consiste « l'Opération Milliard » ?

Violaine Pierre : Ce mouvement, (1) qui rassemble différents acteurs – citoyens, décideurs publics, chercheurs, universitaires, financiers, entrepreneurs, dirigeants d'association… –, vise à réunir un milliard d'euros pour financer la transition juste. Il a été lancé le 26 mars dernier à l'initiative de Bastien Sibille, cofondateur de Mobicoop. Il est né de la constatation qu'un grand nombre d'actrices et d'acteurs de terrain porte des projets de transformation pérennes sur les plans sociaux et environnementaux. Mais que ces initiatives sont sous-financées au regard de leur plus-value pour la société et l'environnement.

AE : Qu'entendez-vous par « Transition juste »

VP : Cette expression recouvre beaucoup de notions et de courants différents. Notre mouvement, lui, est axé sur l'innovation sociale, sur la nécessité de repenser nos manières de produire et de consommer pour s'orienter vers une sobriété heureuse, plus que sur la technologie ou la croissance verte. Pour nous, il s'agit de pouvoir vivre dans un monde respectant les limites planétaires et le vivant, tout en répartissant équitablement les richesses.

Il ne faut pas sous-estimer cette question du partage de la richesse. Si la transition n'est pas juste, elle ne peut pas être heureuse. On voit déjà beaucoup de tensions apparaître autour des mesures gouvernementales de transition comme le plan Ecophyto, par exemple. Elles sont susceptibles de se transformer en réactions plus ou moins radicales lorsque les personnes concernées se sentent en danger. Or, aujourd'hui, notre modèle économique ne fonctionne pas. Il ne permettra pas de faire cette transition juste.

AE : Les dispositifs actuels ne contribuent-ils pas à financer cette évolution ?

VP : Quand vous parlez de transition écologique, les gens pensent taxes, normes et contraintes. En réalité, de nombreuses initiatives porteuses d'innovation et de bien-être se développent dans les territoires via des associations, des coopératives ou des entreprises de l'économie sociale et solidaire, avec un impact environnemental et social énorme. Elles ne visent pas l'enrichissement des personnes, mais plutôt le développement de nouvelles formes d'agriculture, du partage de l'énergie, de solutions de mobilité durable, d'une alimentation saine, de la seconde main

Elles ne trouvent pas ou peu de fonds accessibles puisque le financement des organisations dépend avant tout de leur retour sur investissement financier. Or, ce sont elles qu'il faudrait massivement porter à l'échelle. Nous cherchons précisément à leur assurer du financement, mais aussi à les relier pour créer un écosystème, répliquer des choses qui fonctionnent d'un territoire à l'autre. Nous obtiendrons ce milliard comme un premier palier si nous montrons que nous sommes une force civile d'action déterminée, massive et que nos plaidoyers résonnent.

AE : Rapporté aux besoins, l'objectif d'un milliard d'euros reste en effet assez modeste…

VP : Surtout si on le compare aux 67 milliards d'euros par an estimés nécessaires à la transition par le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz. Ce choix d'un milliard d'euros est symbolique. Nous voulons ainsi exprimer l'idée que la transition juste mérite d'y consacrer des milliards et ne doit pas seulement se contenter d'aumônes comme c'est le cas aujourd'hui. Rappelons au passage que le montant de l'évasion fiscale atteint en France les 100 milliards d'euros.

AE : Comment comptez-vous procéder pour structurer le mouvement ?

VP : Jusqu'à la fin de cette année, nous travaillons sur plusieurs axes. Un premier groupe de travail s'attachera à la création d'un récit sur cette transition juste. Il est nécessaire d'expliquer ce qu'elle signifie. Comment tel ou tel tiers-lieu l'a développée sur son territoire ? Quelle gouvernance démocratique suppose-t-elle ? Quels acteurs choisirons-nous de financer ? Avec quel degré de lucrativité pour leurs activités ? Un deuxième groupe de travail se consacre au déploiement d'un collectif, puisque nous n'avons pas vocation à faire à la place des autres. Centres sociaux, tiers-lieux, licornes, coopératives, Centre des jeunes dirigeants, ESS France… Il se penchera sur le lien entre les réseaux, sur la manière dont on les implique, sur leurs synergies.

Un troisième groupe s'intéresse au terrain : comment faire vivre l'Opération Milliard au plus proche des territoires ? Des tiers-lieux référents, qui connaissent très bien leur écosystème local, accueilleront des discussions et des événements pour alimenter la réflexion, faire remonter les idées, les projets qui ont besoin d'un financement. Nous ne voulons pas d'un mouvement centralisé autour d'une ville comme Paris. Côté financement, nous avons à faire à un ensemble d'acteurs variés. Un groupe recense donc les besoins en financement des organisations de la transition écologique juste et la forme des fonds à imaginer pour y répondre. C'est le cœur du réacteur. Enfin, un groupe se centre sur les besoins des épargnants et des financeurs. Cette étape achevée, à la fin de l'année, nous lancerons une grande campagne d'adhésion pour recruter 10 000 membres.

AE : Qui alimentera ce fameux milliard ?

VP : Il faut attendre les recommandations du groupe de travail qui se penche sur la forme des fonds, mais nous pensons que nous nous doterons d'abord d'une fondation citoyenne administrée démocratiquement d'environ 5 millions d'euros. Ensuite, 300 millions sont à débloquer auprès d'instances financières par la création de nouveaux fonds ou en redirigeant des fonds existants vers des cibles qui n'y avaient pas accès auparavant, par manque de visibilité ou de crédibilité. Nous voulons proposer des projets clef en main, estampillés « Opération Milliard », à ces établissements.

Nous sommes déjà en discussion avec certains d'entre eux. De nombreux acteurs financiers sont prêts à accepter des retours sur investissements limités, mais fiables sur le long terme, et les épargnants ont envie d'investir dans ce type de projets. Les 700 millions d'euros restant sont à aller chercher auprès de l'État et/ou de l'Union européenne. Pour que cela marche, il faut arriver à convaincre ces interlocuteurs que nous représentons une force civile importante, que nous connaissons les besoins, que nous avons les compétences et lorsque l'argent arrive, il peut être distribué de façon juste, démocratique et efficace. Nous avons un an pour avancer sur tous ces points.

1. En savoir plus sur ce mouvement
https://operation-milliard.org/

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