Permettre à la fois d'évaluer finement les politiques territoriales de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), de sensibiliser les habitants d'un territoire et potentiellement de dégager des sources de financement : ce sont les ambitions portées par les concepteurs d'une météo des émissions de dioxyde de carbone.
« Nous disposons d'un objectif quantifié de se maintenir en dessous de la barre des 480 ppm [particules par millions équivalent CO2] à l'horizon 2100 pour limiter le réchauffement à 2 °C, a pointé Michel Gioria, Directeur régional de l'Ademe Ile-de-France, à l'occasion d'une rencontre organisée par l'association des journalistes de l'environnement. Nous devons pouvoir mesurer finement les évolutions ».
Le problème ? Les données disponibles et exploitées pour les bilans CO2 remontent très souvent à deux à trois ans auparavant et présentent d'importantes incertitudes.
« Une barre d'erreur de 20 à 30 % ce n'est pas trop mal, a indiqué Thomas Lauvaux, chercheur sur la modélisation atmosphérique des GES au laboratoire des sciences du climat et l'environnement (LSCE). Mais avec celle-ci nous ne pouvons pas suivre les effets de politiques publiques qui, par exemple, veulent diminuer de 30 % leurs émissions ».
Ce constat a conduit une start-up française Origins.earth à travailler sur le sujet en partenariat avec le LSCE. L'initiative est également soutenue par l'Organisation météorologique mondiale, l'Ademe, l'Afnor et le National institute of standards and technology (Nist) américain avec l'appui financier du groupe Suez et de l'initiative public-privé Climate Kic.
Pour élaborer une météo du dioxyde de carbone à l'échelle urbaine, l'idée est de prendre en compte l'ensemble des informations sur les émissions. L'outil développé intègre ainsi des données du territoire sur les émissions de CO2, des mesures de concentration en continu du CO2 par des capteurs mais également des informations météorologiques comme la température, la direction des vents, etc.
Paris apporte un soutien technique et opérationnelle
Cette initiative a séduit la métropole de Paris. « Les villes sont certainement le meilleur territoire d'actions, car elles sont responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de serre, a pointé Célia Blauel, adjointe à la marie de Paris en charge du plan climat. C'est dans ce contexte que nous nous sommes associés à ce projet, pour affiner nos outils de compréhension et de pilotage ».
Les partenaires travaillent aujourd'hui à l'élaboration d'un indice carbone pour communiquer. Parmi les pistes : un indice brut de type valeur métrique (ppm), un indice de tenue de la trajectoire fixée ou une visualisation cartographique des émissions, mensuelle et accessible en ligne.
« Nous pourrons suivre les conséquences d'un programme, a souligné Fouzi Benkhelifa, Directeur d'Origins.earth, à l'initiative du projet. Mais également apporter aux habitants une nouvelle façon de se représenter les choses ».
Les partenaires comptent désormais sur une standardisation de l'outil pour le développer. Et espèrent des évolutions lors de la COP 25 en décembre 2019 pour permettre une valorisation financière des économies de dioxyde de carbone pour les collectivités. Ce bulletin météo pourrait en effet faire office de « preuve ».
« Des villes ont perçu moins de 1 % des crédits carbone. La quasi totalité est captée par des industriels : il est plus simple de mesurer les émissions d'une cheminée que d'un territoire. Si la mesure d'action collective entre dans la boîte à outils de la mise en œuvre de l'accord de Paris, les villes gagneront un modèle économique », a projeté Fouzi Benkhelifa.