Sans surprise, la Commission européenne n'a pas obtenu, ce mercredi 25 octobre, la majorité qualifiée nécessaire des Etats membres (16 pays sur 28, représentant 65% de la population de l'UE) pour valider sa proposition initiale de renouvellement pour 10 ans de la substance active glyphosate dans l'Union européenne. La France ayant confirmé mercredi son vote contre et l'Allemagne s'étant abstenue en comité d'experts réunis à Bruxelles. La proposition de la Commission s'avérait déjà difficile à atteindre sans ces poids lourds démographiques de l'UE.
Faute d'accord, les Etats-membres viennent une nouvelle fois de reporter leur vote sur la ré-homologation du principe actif du Roundup de la firme Monsanto, qui arrive à son terme le 15 décembre. Une nouvelle réunion du comité d'experts devrait se tenir d'ici "deux à trois semaines", annoncent les eurodéputés socio-démocrates français Eric Andrieu et belge Marc Tarabella. Et ce, conformément au règlement européen de 2009 sur la mise sur le marché des produits phytosanitaires.
Quatre, cinq, sept ans… ?
La veille, mardi, le Parlement européen a voté une résolution demandant une interdiction complète de l'herbicide d'ici à la fin 2022. Après le vote des eurodéputés, la Commission a annoncé qu'elle était prête à proposer aussi un renouvellement de cinq à sept ans aux Etats. Ces derniers ont également été consultés mercredi sur une durée de 5 ans sans parvenir à un accord. La France s'est aussi prononcée contre, a annoncé le Premier ministre dans un communiqué.
La France qui prépare un plan de sortie de la substance, semble avoir fixé sa date butoir. Elle est prête à accepter une durée de quatre ans de renouvellement pour permettre un consensus européen, a déclaré le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, lors du compte rendu du conseil des ministres. Le temps de développer des pratiques de substitution. "La France a travaillé avec la Commission et ses partenaires européens, en particulier l'Allemagne et l'Italie, pour dégager [ce] compromis", a précisé le Premier ministre. Mais l'eurodéputé Eric Andrieu pointe du doigt cette proposition de 4 ans qui "équivaut à avoir du glyphosate répandu dans la nature pendant 6 à 7 ans, compte tenu des délais de transition et d'écoulement des stocks imposés par le règlement européen. Son interdiction définitive doit être actée au plus vite."
La Commission a indiqué qu'elle allait "réfléchir" à sa nouvelle proposition après avoir pris note des positions des différentes délégations. "Pour nous la France, c'est une victoire. Il nous reste encore plusieurs semaines d'ici au prochain vote pour mobiliser nos partenaires européens," a déclaré Brune Poirson, secrétaire d'Etat auprès de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, sur France Info.
Selon l'AFP, l'exécutif européen maintient son objectif de "trouver une solution qui bénéficie du soutien le plus large possible, qui assure un haut niveau de protection de la santé humaine et de l'environnement, en ligne avec la législation européenne et fondée sur les données scientifiques disponibles". La Commission se base sur les évaluations des agences européennes d'expertise Efsa et Echa qui considèrent l'herbicide comme non-cancérogène pour l'Homme. Mais ces dernières sont accusées de sous-estimer les études démontrant des cas de cancers sur des rongeurs. Le scandale des "Monsanto papers", révélé en mars 2017, prouverait également que la firme à influencer le processus d'évaluation scientifique des agences aux Etats-Unis et en Europe.
Le renouvellement de l'approbation de la substance est valable pour une période n'excédant pas quinze ans, selon le règlement sur les produits "phytos". Une durée que continue de réclamer le principal syndicat européen d'agriculteurs, le Copa-Cogeca. "Au vu des preuves scientifiques solides, nous demandons la ré-autorisation pour 15 ans de cette substance active largement utilisée. Rien ne devrait l'empêcher. Sans renouvellement de cette substance, les agriculteurs européens seront dans une position de désavantage compétitif par rapport à ceux des pays tiers", a déclaré le président du Copa, Joachim Rukwied. "Ce produit est essentiel pour garantir notre approvisionnement alimentaire. Il ne doit pas devenir la victime de décisions politiques entre Etats membres".
Le gouvernement français et l'Union européenne "doivent faire preuve de pragmatisme et rester à l'écoute des agriculteurs", a appelé de son côté le premier syndicat français agricole FNSEA. "Le capharnaüm européen et français suscite de l'incompréhension et aura des conséquences graves".
Plus d'1,3 million de citoyens européens ont signé une initiative citoyenne européenne (ICE) demandant à la Commission de ne plus autoriser la substance. Pour le syndicat agricole Confédération paysanne, qui fait aussi partie des signataires de l'ICE, "les impacts de ce produit sur la santé des paysans, de nos concitoyens et le modèle qu'il entretient justifient son interdiction".