Le temps de la gauche plurielle remonte à 1997, époque où les Verts entraient pour la première fois au gouvernement et à l'Assemblée nationale à l'issue d'un accord historique scellé entre Lionel Jospin et les écologistes. Dans un système de scrutin majoritaire à deux tours, cette alliance a permis aux écologistes d'exercer des mandats nationaux. C'est dans cette continuité que s'est inscrit le rapprochement entre Benoît Hamon et Yannick Jadot dans le contexte des élections présidentielles de 2017. Fort de son succès à la primaire socialiste, où il emportait 58% des suffrages au soir du 29 janvier, Benoît Hamon semble alors être le pivot d'un nouvel élan pour une gauche reverdie. Près de 80% des votants consultés au sein de la primaire de l'écologie approuvent l'accord proposé par Yannick Jadot et Benoît Hamon le 23 février 2017.
En contrepartie du retrait de Yannick Jadot de la présidentielle, l'accord électoral est initialement basé sur 42 circonscriptions réservées pour EELV, dont 23 qui avaient élu un candidat de gauche ou écologiste en 2012. La plateforme programmatique définie par les deux partis est alors très "verte" sur le fond : revenu universel d'existence, sortie progressive et intégrale du nucléaire à horizon de 25 ans, fin du projet d'enfouissement des déchets nucléaires de Bure, avec un stockage en sub-surface, plan d'efficacité et de sobriété énergétique, sortie des énergies fossiles, avec l'objectif d'une France 100% renouvelable à horizon 2050, fin des investissements publics dans les énergies polluantes, taxe carbone substantielle affectée à la transition écologique, fiscalité favorable aux transports propres et défavorable aux transports polluants, sortie du diesel à l'horizon 2025, interdiction des pesticides et des perturbateurs endocriniens.
Une plate-forme édulcorée
Mais Benoît Hamon se retrouve pris en étau entre la dynamique Macron, et le phénomène Mélenchon sur sa gauche avec l'émergence de la France Insoumise. Le soir du premier tour le 23 avril, c'est le choc pour le PS et ses partenaires, avec un score historiquement faible de 6,3%. Aux législatives du 11 juin prochain, le PS ne présente que 414 candidats, soit moins que les 455 candidatures présentées par EELV et les 461 candidats de la République en marche. Il faudra aussi compter avec les 456 écologistes qui se présentent sous d'autres bannières, soit autant que les candidats EELV.
De l'accord politique entre Benoît Hamon et Yannick Jadot, il reste une plate-forme édulcorée adoptée le 9 mai 2017. Selon le délégué aux élections d'EELV Bruno Bernard, celle-ci ne saurait tenir lieu d'accord programmatique, par définition caduc puisqu'il n'y aura pas de gouvernement socialiste cette fois. EELV présente son propre programme intitulé "bien vivre". Quant à la nouvelle plate-forme du PS, c'est une synthèse entre la ligne défendue par Benoît Hamon et celle d'Emmanuel Macron. Sur l'environnement, le PS atténue les ambitions portées par Benoît Hamon. L'objectif de sortir du nucléaire d'ici à 2050 est abandonné au profit de celui de la loi sur la transition énergétique votée en 2014, à savoir une réduction à 50% du nucléaire dans la production d'électricité en 2025, objectif repris par Emmanuel Macron. Le programme socialiste intègre en revanche plusieurs mesures que le candidat d'En marche n'abordait qu'à la marge, comme l'interdiction des pesticides dangereux et des perturbateurs endocriniens.
Atomisation des écologistes
Sur le front des circonscriptions, EELV obtient le soutien du PS sur 49 circonscriptions, contre une soixantaine lors de la précédente élection législative en 2012. En contrepartie, le PS reçoit le soutien d'EELV dans 52 circonscriptions, où les Verts ne présenteront pas de candidats. Certains grincent des dents à l'intérieur du parti, faisant remarquer que ces retraits ne profitent pas forcément à des "hamonistes".
Du côté des personnalités vertes, il n'est pas certain que Cécile Duflot parvienne à sauver son siège dans la 6ème circonscription de Paris, malgré le soutien du PS, face à une candidate dissidente socialiste et surtout face à la lame de fond de la République En Marche. Le député écologiste sortant Noël Mamère, qui ne se représente pas, a exprimé son soutien au député socialiste sortant de la 11ème circonscription de Paris, Pascal Cherki, plutôt qu'au candidat EELV Florentin Letissier. Quant à Daniel Cohn Bendit, figure historique des Verts, il a participé à un meeting d'En Marche la semaine dernière.
La perspective, pour EELV, de reconstituer un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale apparaît hors de portée. Sur les 17 députés écologistes sortants, plusieurs sont partis en cours de mandat, aspirés vers le mouvement porté par Emmanuel Macron, comme Barbara Pompili et François de Rugy. La dizaine de parlementaires sortants du parti mènent chacun une bataille, "sans qu'il y ait des échanges" entre eux, témoigne la députée EELV Laurence Abeille qui se représente dans la 6ème circonscription du Val-de-Marne située à cheval sur les communes de Vincennes, Saint-Mandé et Fontenay-sous-Bois. Comme si le mouvement s'atomisait. "C'est une phase assez inquiétante pour l'écologie", estime Mme Abeille, qui peut cependant compter sur le soutien local du PS.
Julien Bayou, candidat EELV aux législatives dans la 5ème circonscription de Paris (3ème et 10ème arrdt), veut croire que "la France doit prendre la tête des pays à l'avant-garde de la transition écologique. Pour cela, Nicolas Hulot aura indéniablement besoin de députés écologistes". Dans un communiqué du 17 mai, EELV estime que le nouveau ministre de la transition écologique "devra compter sur une large mobilisation de la société civile et l'obstination du plus grand nombre possible de parlementaires écologistes s'il souhaite gagner ses futurs combats au sein du gouvernement".