Le 25 juillet, réunis en commission mixte paritaire (CMP), les députés et les sénateurs sont parvenus à un accord sur le projet de loi énergie-climat (1) , pour rénover les logements très énergivores (classes F et G du diagnostic de performance énergétique). Ils ont finalement privilégié la version adoptée par l'Assemblée nationale, le 28 juin dernier.
Décret logements décents : viser "les plus énergivores au sein de la classe G"
Le Sénat a, sans surprise, reculé en CMP sur le classement des "passoires thermiques" étiquetées F et G en logements indécents. Cette disposition avait été votée de justesse, le 18 juillet, par les sénateurs. Le projet de loi énergie prévoit un nouveau décret qui intégrera un critère de performance énergétique dans la définition du logement décent. Ce décret s'appliquera le 1er janvier 2023 au plus tard. Le texte issu de la CMP ne mentionne plus le seuil de 330 kilowattheures (kWh) d'énergie primaire par m2 et par an, au-delà duquel un logement F ou G devait être déclaré indécent et donc inlouable.
"Il ne paraît en effet ni réaliste ni opportun de définir comme logements indécents tous les logements F ou G. Cette disposition ferait sortir du parc locatif un grand nombre de logements sans refléter la réalité de la décence ou de l'indécence de ces logements", a répété le sénateur LR Daniel Gremillet, rapporteur au Sénat, lors des discussions en CMP. Cette mesure aurait "sorti la moitié des logements du parc locatif privé", a ajouté la sénatrice LR Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques au Sénat.
M. Gremillet a proposé de revenir au texte de l'Assemblée nationale et "de viser, à travers les critères de décence, les logements les plus énergivores au sein de la classe G". Tel qu' évoqué dans l'amendement du gouvernement (2) ,voté par l'Assemblée : soit de viser les logements qui consommeraient au-delà de 600 à 700 kWh d'énergie finale par m2 et par an par exemple.
Le critère de performance énergétique sera défini dans le décret "décence" par "un seuil de consommation maximale d'énergie finale (par kilowattheure) par mètre carré et par an", indique le texte de la CMP, sans préciser ce seuil. Les contrats de location en cours, à la date d'entrée en vigueur de ce décret en 2023, resteront "soumis aux dispositions qui leur étaient applicables".
La CMP a maintenu dans le texte les dérogations accordées aux copropriétaires, si un juge les contraint à respecter l'obligation de travaux "afin d'atteindre un niveau de consommation énergétique inférieur au seuil d'indécence". Ces dérogations ont été introduites par le gouvernement, lors du vote de la loi au Sénat. Le bailleur ne sera pas sanctionné,"s'il démontre qu'il n'a pas pu faire les travaux nécessaires dans les parties communes, du fait des règles de décision au sein des copropriétés".
Interdiction d'augmenter le loyer d'une passoire dès 2021
La CMP a aussi réintégré les dispositions votées par l'Assemblée concernant la révision des loyers des passoires thermiques F et G. Le député LREM Anthony Cellier, rapporteur à l'Assemblée, a rétabli l'entrée en vigueur, à partir du 1er janvier 2021, de l'interdiction au propriétaire d'une passoire d'"augmenter librement le loyer entre deux locataires sans l'avoir rénovée". Le Sénat voulait repousser cette disposition au 1er janvier 2024.
La révision du loyer sera conditionnée pour les bailleurs privés à l'atteinte de la classe E au minimum du DPE (soit 330 kWh/m2/an). L'extension de cette mesure aux bailleurs sociaux a disparu du texte final. De même que les dérogations qui avaient été introduites par le Sénat (contraintes techniques, architecturales, surcoût des travaux…).
Obligation de rénovation des passoires à horizon 2028-2033
Le texte de la CMP valide le compromis du gouvernement, adopté à l'Assemblée. Ce compromis prévoit l'obligation, à partir du 1er janvier 2028, pour les propriétaires des logements F et G de réaliser des travaux afin d'atteindre au minimum la classe E du DPE. L'obligation est repoussée à 2033 pour les copropriétés en difficulté. A partir de 2028, le non-respect de l'obligation de travaux sera mentionné dans toutes les publicités relatives à la vente ou à la location, ainsi que dans les actes de vente ou les baux concernant le bien. Dès le 1er janvier 2022 (et non plus 2023), les publicités et les actes devront déjà afficher l'obligation de travaux exigée aux propriétaires de passoires. La CMP a maintenu le vote des sénateurs. Plusieurs exceptions à l'obligation de rénovation sont prévues liées aux contraintes techniques, architecturales ou au "coût disproportionné" des travaux par rapport à la valeur du bien. Les sanctions, en cas de manquements à ces dispositions, seront débattues et définies par le Parlement dans une future loi prévue en 2023.
Audit énergétique obligatoire pour les passoires
A compter de 2022, la réalisation d'un audit énergétique sera par ailleurs obligatoire en cas de vente ou de location d'un logement classé F ou G. L'audit énergétique, annexé au diagnostic de performance énergétique (DPE), contiendra des propositions de travaux adaptés au logement, ainsi que leur coût estimé. La CMP a supprimé les "simulations réalisées pour les logements en copropriété ou pour les maisons individuelles" sur lesquelles devaient s'appuyer les audits énergétiques.
Les audits mentionneront "à titre indicatif l'impact théorique des travaux proposés sur la facture d'énergie", a précisé la CMP. Ils mentionneront aussi l'existence d'aides publiques destinées aux travaux d'amélioration de la performance énergétique, ajoutée par les sénateurs. En revanche, la CMP a supprimé la mention des conditions d'attribution des aides dans les audits énergétiques.
Le projet de loi énergie, adopté par la CMP, devrait revenir au Parlement pour un vote final courant septembre.