Sur la réduction de l'usage des pesticides, « on fixe des objectifs ambitieux aux agriculteurs sans leur donner les moyens, analyse Caroline Faraldo, responsable agriculture et alimentation de la fondation Nicolas Hulot (FNH). Le poids de l'échec est essentiellement sur les épaules des agriculteurs ».
Pour tirer ce constat, la FNH a réalisé une étude sur les financements publics et privés des secteurs agricoles et alimentaires et sur la part de ces financements orientés vers une baisse des pesticides. Pour rappel, la France s'est fixé l'objectif de réduire de 50 % leur usage d'ici 2025, à travers les différents plans Écophyto.
Or, sur les 23,2 milliards d'euros (Md€) d'argent public consacrés chaque année à ces deux secteurs, sous forme de subventions, d'allègements fiscaux etc., seuls 11 % ont une « intention de réduction des pesticides ». Pire : seul 1 % aurait un impact avéré sur la dépendance aux phytosanitaires des agriculteurs. Il s'agit des aides à l'agriculture biologique et de certaines mesures agro-environnementales (MAEC) de la politique agricole commune (PAC), notamment celles portant sur les systèmes.
En parallèle, la fiscalité va à l'encontre de cet objectif, en bénéficiant aux exploitations les plus utilisatrices de pesticides. Celles-ci toucheraient en moyenne 2,6 fois plus que les autres agriculteurs. Les financements privés, estimés chaque année à 19,5 Md€, seraient quant à eux délivrés avec une quasi absence de critères environnementaux.
« Ce cas d'école éclaire quelques profonds dysfonctionnements dans notre démocratie. Le gap est important entre les promesses et leurs réalisations », analyse Nicolas Hulot.
Une minorité d'exploitations très intensives en pesticides
Pourtant, ces financements sont importants pour faire basculer une majorité d'agriculteurs vers une moindre utilisation des pesticides. L'évolution de l'usage des produits phytosanitaires ces dix dernières années (+25 %) est liée à une minorité d'agriculteurs qui, eux, en utiliseraient toujours plus. Ces derniers représenteraient près de 9 % des exploitations françaises et 7 % de la surface agricole utile (SAU), mais 55 % de l'utilisation des phytos.
À l'opposé, un tiers des agriculteurs, représentant 31 % de la SAU, et déjà moins gourmands en phytos, ont réduit de 1 % leur consommation de phytos en dix ans. Au centre, le ventre mou des agriculteurs (57 %), affichant des consommations moyennes en pesticides, hésite entre l'une et l'autre des voies. « Ce sont bien elles, en priorité, que les pouvoirs publics doivent accompagner pour faire pencher la balance du bon côté : leur donner un cap et des perspectives, sécuriser leur transformation, assurer la rémunération des systèmes agricoles vertueux et booster les installations et transmissions en agroécologie », estime la FNH. D'autant que, d'ici dix ans, la moitié des agriculteurs actuels seront partis à la retraite.
Orienter les financements vers les meilleures pratiques
La FNH demande donc au Gouvernement de pousser les curseurs à fond en faveur d'une réduction des pesticides, dans le cadre de la future PAC et du plan stratégique national qui la déclinera à l'échelle nationale . Il s'agirait d'accorder cinq fois plus de moyens la rémunération des systèmes de production en agriculture biologique et d'orienter 40 % des aides du premier pilier dédiés à des paiements pour services environnementaux. L'ONG souhaite également que ne soient conservées que les MAEC réellement efficaces, c'est-à-dire les MAEC systèmes, en renforçant leurs ambitions et leur financement. La dotation aux jeunes agriculteurs devrait être transformée en aide largement bonifiée pour les installations en agroécologie, et ce, sans critères d'âge. L'État devrait également soutenir les démarches d'accompagnement de collectifs engagés dans l'agroécologie et l'alimentation durable, et consacrer 63 M€ chaque année aux projets alimentaires territoriaux (PAT).
La FNH demande enfin la mise en place, à l'échelle nationale, d'une fiscalité assortie de bonus/malus sur le principe du pollueur-payeur. « Les bonus et malus doivent être prévisibles et très progressifs pour permettre aux agriculteurs d'anticiper », souligne Caroline Faraldo.