La réindustrialisation du pays reste en haut des priorités d'Emmanuel Macron. Or, pour établir leurs choix d'implantation, les porteurs de projets regardent trois éléments, explique Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'Industrie : les subventions, pour lesquelles il n'est pas possible de se différencier avec nos voisins européens ; la mise à disposition rapide de sites en adéquation avec leurs projets ; et la rapidité et la visibilité des procédures.
C'est pour répondre à la deuxième préoccupation que le chef de l'État a décidé de relancer la politique des sites « clés en main » en fixant l'objectif de disposer de 50 sites d'ici à la fin du quinquennat, tandis que la loi Industrie verte, adoptée ce mercredi 11 octobre, ambitionne de répondre à la troisième demande.
Démarche participative
C'est à la suite du rapport du préfet Mouchel-Blaisot sur la mobilisation du foncier industriel et à l'occasion de la Convention des intercommunalités de France, qui se tient les 12 et 13 octobre à Orléans, que les ministres chargé de la Transition écologique, de l'Industrie et des Collectivités territoriales vont présenter la méthode de recensement des nouveaux sites « clés en main ». L'objectif est de proposer les premiers d'entre eux aux porteurs de projets en 2024, avec, à terme, une surface de 2 000 hectares disponibles. Soit le dixième des quelque 20 000 hectares de foncier identifiés comme étant nécessaires pour répondre aux besoins d'industrialisation de l'Hexagone dans les années à venir.
Roland Lescure annonce un financement par la Banque des territoires de 200 millions d'euros par an sur cinq ans. Soit 1 milliard d'euros au total. Peut s'y ajouter un financement de la dépollution des friches par le Fonds vert.
Changement de logique
Cette deuxième génération de sites « clés en mains » se distingue-t-elle de la première lancée en 2019 qui se caractérisait par des procédures administratives anticipées en matière d'urbanisme, d'archéologie préventive et d'environnement ? « Il y a un changement de logique, explique un conseiller ministériel. Nous sommes dans une logique d'accompagnement pour dérisquer chacun des sites et non pour labelliser des sites existants. » Les 127 sites identifiés lors de la première vague n'ont en effet pas tous trouvé preneurs, du fait notamment de critères de sélection pas assez cadrés. Le Gouvernement indique vouloir en tirer les leçons.
Parmi ces sites, explique un conseiller ministériel, figurait par exemple un site de 50 hectares en milieu agricole comprenant une zone humide. « Cela n'était pas compatible avec les enjeux de sobriété foncière », explique-t-il. Le Gouvernement doit en effet compter avec l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) en donnant la priorité à la réhabilitation des friches et à la densification des zones industrielles existantes.
C'est pourquoi il prévoit de constituer tout d'abord un vivier de 60 à 80 sites duquel devraient être retirés ceux qui, après les études de pollution ou les études archéologiques, n'auront pu répondre aux critères de sélection. Les porteurs de projets qui choisiront ces sites s'épargneront la phase de recherche du foncier ainsi que les études qui peuvent être anticipées, comme celle de la faune-flore.
Diviser les délais d'implantation
Toutes les procédures ne peuvent toutefois pas être anticipées, comme la consultation du public ou l'autorisation environnementale. Le Gouvernement compte sur la loi Industrie verte pour les accélérer, avec l'objectif de « diviser par deux les délais réels d'implantation d'usines en les faisant passer de dix-sept à moins de neuf mois ».
Cette loi prévoit notamment de mener en parallèle les phases d'instruction des demandes d'autorisation et de consultation du public, de faciliter la mise en œuvre des mesures de compensation écologique, une mise en compatibilité rapide des documents de planification régionale et des documents d'urbanisme, ou encore des facilités pour les projets reconnus d'intérêt national majeur. À cela devrait s'ajouter une prolongation de trois à quatre ans de la validité des études faune-flore par voie réglementaire.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État avait préconisé de travailler sur la qualité des demandes d'autorisation et sur les moyens des services instructeurs, estimant que le séquençage des différentes phases de la procédure d'autorisation des projets n'était que « partiellement et indirectement » responsable des délais de traitement. Le Gouvernement semble vouloir répondre à cette deuxième préoccupation en annonçant, à travers le projet de loi de finances pour 2024, 100 équivalents temps plein supplémentaires pour les services instructeurs. En revanche, la volonté d'accélération de l'exécutif, qui répond à la demande des porteurs de projets, ne devrait pas contribuer à la montée en qualité des dossiers présentés.