Le président américain Joe Biden a marqué le retour des États-Unis sur la scène internationale climatique, en organisant les 22 et 23 avril son sommet virtuel avec une quarantaine de dirigeants mondiaux (France, Chine, Japon, Brésil, Inde, Canada, Australie, Russie, etc.). Les représentants des nations les plus émettrices de carbone et certains États les plus vulnérables aux impacts de la crise climatique ont répondu présents. Un succès diplomatique pour Joe Biden qui a annoncé un nouveau plan climatique, plus ambitieux, pour son pays.
Au titre de l'Accord de Paris sur le climat, les États-Unis vont s'engager à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 50 % à 52 % d'ici à 2030 par rapport à 2005. Cet objectif doit permettre à l'économie américaine d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Il double celui pris précédemment par Barack Obama, qui visait une réduction comprise entre 26 % et 28 % de 2005 à 2025.
Les puissances mondiales annoncent des objectifs rehaussés
Joe Biden veut ainsi prendre le leadership mondial sur le climat délaissé par son prédécesseur Donald Trump. Il a appelé les autres dirigeants mondiaux à l'« action » et ces derniers lui ont emboîté le pas. Plusieurs d'entre eux, parmi les pays plus pollueurs, ont en effet rehaussé jeudi leurs engagements climatiques. Le Canada compte ainsi réduire de 40 à 45 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport au niveau de 2005. L'objectif précédent était une réduction de 30 %. Le Japon prévoit aussi de réduire ses émissions de CO2 à 46 % à l'horizon 2030 par rapport à 2013, contre une réduction de 26 % précédemment. La Chine a également réaffirmé l'objectif d'une neutralité carbone d'ici 2060. Le président chinois prévoit de limiter la hausse de la consommation de charbon entre 2021 et 2025 pour ensuite la faire décroître entre 2026 et 2030. Samedi dernier, la Chine et les États-Unis, qui représentent à eux seuls près de 40 % des émissions mondiales, se sont par ailleurs engagés à « coopérer » dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le président russe entend également « limiter considérablement les émissions » de son pays d'ici à 2050.
De son côté, le Royaume-Uni se place à la tête de l'action climatique, en tant qu'hôte de la Conférence mondiale sur le climat (COP 26) à Glasgow en novembre prochain. Le Premier ministre britannique a annoncé que son pays réduirait de 78 % ses émissions de carbone d'ici 2035 par rapport aux niveaux de 1990. « Nous voulons encore relever le niveau en matière de lutte contre le réchauffement climatique, et c'est pourquoi nous nous sommes fixés l'objectif le plus ambitieux du monde pour réduire nos émissions », a déclaré mardi 20 avril Boris Johnson. Il avait déjà prévu l'an dernier une baisse de 68 % des émissions d'ici à 2030.
Mais l'Union européenne veut aussi préserver son leadership. La veille du sommet, le Parlement européen et les États membres ont trouvé un accord pour réduire de 55 à 57 % les émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 (contre 40 % auparavant). L'Europe inscrit cet objectif juridiquement et vise la neutralité carbone en 2050. Cet accord « renforce notre position de chef de file mondial dans la lutte contre la crise climatique », estime Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne.
« ll y a encore un long chemin à parcourir », prévient l'ONU
En mars dernier, l'ONU précisait que seuls 75 des 200 pays signataires de l'Accord de Paris avaient soumis leurs engagements révisés pour 2030. Leurs plans climatiques mènent à une trajectoire de baisse des émissions mondiales de moins de 1 % en 2030 par rapport à 2010. Or, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) estime qu'il faudrait une baisse de 45 % d'ici 2030 des émissions pour ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement d'ici la fin du siècle. « Nous devons renforcer cette unité mondiale afin de poursuivre de nouveaux objectifs ambitieux. Car cette décennie sera celle de la réussite ou de l'échec climatique », a aussi mis en garde jeudi Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, lors du sommet organisé par Joe Biden.
Les ONG demandent du concret
Les ONG ont pris acte des annonces faites des dirigeants et renouvellent leur appel à plus d'ambition et de financements. Pour Pierre Cannet, directeur du plaidoyer au WWF France : « Le sommet des leaders avec quelques nouvelles annonces vient apporter un nouveau souffle sur la scène internationale pour le climat, après quelques années difficiles ». Mais « il reste encore à concrétiser et conforter ces objectifs d'ici la COP 26, notamment à travers de nouvelles annonces de financement et de mesures sectorielles pour les mettre en œuvre », a ajouté M. Cannet.
Ce sommet « n'a pas réussi à annoncer tout financement nouveau et supplémentaire qui s'appuie substantiellement sur les promesses financières existantes pour stimuler la dynamique de l'action climatique », déplorent également les associations du Climate Action Network (CAN). De même, les ONG jugent que les nouveaux engagements des pays ne parviendront pas à atteindre le niveau d'ambition « nécessaire pour éviter une catastrophe climatique ». Même son de cloche de la part de Greenpeace International qui dénonce « les maigres pas » des dirigeants. « Même avec les nouveaux engagements nationaux sur le climat des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Chine, du Canada et du Japon, les gouvernements du monde n'ont pas encore tracé une voie claire et solide vers l'engagement de limiter le réchauffement à 1,5°C », pointe l'association.
L'ONG 350.org fustige aussi « le manque général de commentaires explicites » sur l'arrêt du financement des projets de combustibles fossiles. « La grande nouvelle est venue du président sud-coréen Moon Jae-in lorsqu'il a déclaré un moratoire sur le financement du charbon à l'étranger ». Les ONG doutent par ailleurs de la crédibilité des annonces du président brésilien Jair Bolsonaro durant le sommet. Il s'est engagé à atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 (contre 2060 précédemment) et à « éliminer la déforestation illégale au Brésil d'ici 2030 », alors que les incendies en Amazonie « continuent d'atteindre des chiffres records », dénonce Greenpeace Brésil.