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AccueilChristophe Jacomin Financements des projets d’énergies renouvelables : de nouveaux outils au service de la transition écologique

Financements des projets d’énergies renouvelables : de nouveaux outils au service de la transition écologique

Le marché des EnR a le vent en poupe. Preuve en est le large panel de méthodes de financement actuelles, des plus traditionnelles à l’émergence de stratégies innovantes. Analyse de Christophe Jacomin, avocat chargé du pôle financier au cabinet Herald.

Publié le 18/04/2024

La production d’énergies renouvelables (EnR) affiche une croissance solide en France, conforme à la directive européenne RED II. En 2022, la consommation finale brute des EnR était de 20,7 %[1], ce qui a marqué une progression de 11.5 points depuis 2005. Dans cette dynamique, la France se donne pour objectif d’atteindre 33 % d’EnR d’ici 2030[2], qui devront représenter : 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant, ainsi que 10 % de la consommation de gaz. Ces objectifs sont alignés sur la loi européenne sur le climat visant à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Il est à noter qu’en 2028, les EnR devraient générer 21 milliards d’euros de valeur ajoutée brute en France[3].

Ces objectifs ambitieux sont atteignables par la mise en place d’infrastructures idoines, dont le coût de construction et de mise en service est généralement élevé avec une rentabilité de long terme.

Malgré les efforts internationaux, le financement des EnR est confronté à certaines difficultés, dues notamment à l’augmentation des taux d’intérêts et des coûts des équipements et de construction. En outre, la politique monétaire s’est durcie, ce qui a pu orienter un certain nombre d’investisseurs vers des placements plutôt à court terme.

Dans ce contexte, il semble donc indispensable d’attirer de nouveaux investisseurs, de renforcer la participation au développement des EnRs des grands producteurs d’énergies conventionnelles et de renforcer l’attractivité des financements de long terme.

Le renforcement de la sécurité juridique des financements de projets d’EnR

Dans les montages de type financement de projet, le développeur crée une société de projet ou special purpose vehicle (ci-après, « SPV »), dont l’objet unique est la construction, la détention de la propriété et l’exploitation du projet. La SPV sera souvent amenée à porter le financement des projets et à sous-traiter à des tiers la construction, l’exploitation et la maintenance. Le financement de la SPV sera généralement sans recours sur le développeur, sauf cas spécifique sur certains aspects du projet.   

La dette senior constitue la forme la plus significative du financement d’un projet EnR. Le recours au financement bancaire senior demeure ainsi bien ancré dans le paysage des financements de projets d’EnR (80 % des Capex[4]), et ce grâce notamment aux différentes sûretés dont peuvent bénéficier les établissements prêteurs, le peu de défaut rencontré dans ce type de financement et la valorisation croissante des parcs d’EnR. Le nombre de prêteurs intéressés par ce marché en France a d’ailleurs augmenté ces dernières années, atteignant une certaine maturité et une harmonisation des pratiques de place.

Une des principales sûretés va résider dans une cession Dailly[5] au profit des prêteurs des créances détenues par la SPV, au titre du contrat d’achat d’électricité conclu par tout distributeur d’électricité. Les flux financiers générés par ce contrat seront domiciliés sur un compte bancaire de la SPV, ouvert dans les livres de l’établissement agent des sûretés nanti au profit des prêteurs. Ces flux permettront le remboursement de la dette senior.

Les prêteurs exigent également de la SPV la constitution d’un gage sans dépossession, défini à l’article 2333 du Code civil qui leur offre un droit de rétention sur les biens mobiliers du projet en sus du nantissement des actions de la SPV. Cependant, en cas de défaut de la SPV, le gage sans dépossession peut avoir une efficacité variable suivant son objet et suivant les étapes de la procédure collective.

Pour éviter toute difficulté liée à l’ouverture d’une procédure collective, il peut être envisagé d’avoir recours à une sûreté fiduciaire. Le recours à la fiducie, régie par les articles 2011 et suivants du Code civil, pourrait constituer un mécanisme innovant concurrent des sûretés traditionnelles, en ce qu’il peut apparaître comme renforçant considérablement la sécurité juridique du financement, en particulier face à une procédure collective qui serait ouverte à l’encontre de la SPV emprunteuse, et éviter la mise en place de nombreuses sûretés. La fiducie-sûreté permettrait ainsi d’organiser le transfert temporaire de la propriété de l’ensemble des actifs du projet (actions de la SPV, créances au titre du contrat d’achat, biens meubles corporels, incorporels ou immeubles) au profit des prêteurs ou de l’agent des sûretés, afin de garantir la dette senior. La fiducie-sûreté présente ainsi de nombreux avantages et les prêteurs seniors devraient sans nul doute avoir plus souvent recours à cet outil juridique puissant pour les financements de projets. 

Le financement mezzanine, source de financement complémentaire 

En complément, peut être envisagé le recours à une dette mezzanine subordonnée au remboursement d’une dette senior. Son remboursement ne pourra s’opérer tant que la dette senior ne sera pas intégralement acquittée. En dépit de son coût plus élevé, la dette mezzanine peut permettre au développeur de limiter l’apport en fonds propres et donc d’améliorer la structure de son bilan et donc sa solvabilité, tout en gardant le contrôle et la propriété des actifs. La dette mezzanine peut prendre la forme d’une émission obligataire de gré à gré et donc être souscrite par des acteurs qui ne seraient pas des établissements de crédit.   

Les bridge loans en phase de développement

Afin de couvrir les besoins de trésorerie d’un développeur de projet, en attendant la conclusion du prêt senior principal qui prend généralement plus de temps à être négocié, compte tenu des enjeux financiers pour les prêteurs, différents audits devant être réalisés et différentes sûretés étant à mettre en place, le recours à des bridge loans peut être opportun. Ce type de financement court terme apparaît comme une solution innovante, afin d’organiser la mise en service progressive de différents projets portés par un développeur, sans attendre la mise en place de financements seniors.

L’émergence de nouveaux outils de financement

Plusieurs méthodes de financements alternatifs ont vu le jour ces dernières années, à savoir le financement participatif qui s’adresse principalement aux populations locales et aux collectivités locales, les Yieldcos[6], qui permettent de déconsolider le risque porté par les entrepreneurs de projets d’EnR et enfin les Green Bonds, emprunts obligataires destinés à soutenir des projets à haute valeur environnementale. Toutefois, ces financements alternatifs restent limités en raison principalement de leur complexité dans leur mise en œuvre.

De ce panorama, il convient de souligner l’amélioration constante de la qualité et de la rentabilité des projets d’EnR, qui favorise la mise en œuvre de nouvelles méthodes de financement innovantes et utiles à la croissance du secteur, mettant in fine la finance au service de la transition écologique.

 

Christophe Jacomin

Avocat associé en charge du pôle Banque-Finance du cabinet Herald

 

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[1] Chiffres clés des énergies renouvelables - Édition 2023 | Données et études statistiques (developpement-durable.gouv.fr).

[2] Programmation plurianuelle de l’énergie (PPE) de 2019 à 2028.

[3] Les énergies renouvelables | Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires (ecologie.gouv.fr)

[4] Capital expenditure ou dépenses d’investissement. NDLR : article explicatif sur Agicap  : « Le Capex désigne les dépenses en capital engagées par une entreprise pour acquérir, améliorer ou maintenir ses actifs physiques à long terme. »

[5] NDLR : Cession Dailly, article explicatif sur Agicap : « La cession Dailly est un mode de financement de trésorerie à court terme qui permet aux entreprises de toucher certaines sommes dès leur facturation, sans attendre qu’elles soient effectivement versées. »

[6] NDLR : Voir les articles sur les Yieldcos, de l’Oecd, « Yieldco Asset Management (Global) » et d’Agefi, « Le secteur de l'énergie cède à la vogue des « YieldCos », 2014. Un rapport d’étude d’HEC Montréal, Financement des énergies renouvelables dans l’OCDE: tendances et innovations, d’Amaury Viairon en 2016.

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