Comment se sortir d'une promesse difficile à tenir ? En annonçant une consultation populaire. C'est ce qu'a fait Emmanuel Macron en rencontrant lundi 14 décembre les membres de la Convention citoyenne pour le climat. Ceux-ci avaient participé une semaine plus tôt à des ateliers organisés par le Gouvernement portant sur les propositions qui pourraient être reprises dans le projet de loi qui doit être présenté en Conseil des ministres fin janvier.
Le président de la République était confronté à un exercice difficile : honorer sa promesse de transmettre « sans filtre » les 146 propositions des conventionnels qu'il a validées en juin dernier alors qu'un grand nombre d'entre elles entrent en contradiction avec la politique économique qu'il mène par ailleurs.
« Réforme constitutionnelle en un article »
Tandis que de nombreuses ONG dénoncent les renoncements de l'exécutif, le chef de l'État a annoncé un référendum pour donner corps à la réforme constitutionnelle réclamée par la Convention citoyenne. Outre une modification du préambule de la Constitution qu'Emmanuel Macron avait rejetée d'emblée, cette dernière avait proposé d'inscrire la phrase suivante à l'article premier de la Constitution : « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l'environnement et la lutte contre le dérèglement climatique ».
La proposition de loi « sera transmise en même temps que la loi qui porte votre nom au Conseil des ministres » a annoncé le président. « Ce sera une réforme constitutionnelle en un article. Constitutionnellement, elle doit passer par l'Assemblée nationale et le Sénat et être votée en des termes identiques. Ce jour-là, elle sera soumise à référendum », a-t-il promis. Sauf que le calendrier et l'utilité même de cette réforme posent question, tandis que le débat qui l'entoure risque d'occulter les autres mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays.
« Il n'y aura pas de référendum »
L'inscription de la lutte contre le changement climatique dans la Constitution devient un serpent de mer. Plusieurs tentatives ont été lancées depuis le début du quinquennat. À travers des propositions de loi présentées par des parlementaires mais via aussi deux projets de loi du Gouvernement restés lettres mortes. Se pose une double question sur cette révision constitutionnelle : À quoi sert-elle ? Le calendrier politique est-il compatible avec l'urgence climatique ?
De nombreux juristes s'accordent à dire que la révision est inutile. Ainsi, Arnaud Gossement, professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, pointe « le caractère symbolique de cette phrase qui n'apporte rien de plus que la Charte de l'environnement mais dissocie le climat de l'environnement ». En d'autres termes, « la protection de l'environnement et de la biodiversité a déjà valeur constitutionnelle », rappelle Dominique Rousseau, professeur à l'École de droit de la Sorbonne. « Et le Conseil constitutionnel a déjà jugé que la protection de l'environnement pouvait justifier des limitations à la liberté d'entreprendre », ajoute ce dernier. L'avancée juridique qu'aurait représentée une constitutionnalisation du principe de non-régression environnementale à travers le contrôle de la loi sur les néonicotinoïdes vient en revanche d'être balayée de la main par les sages de la rue de Montpensier.
« L'écologie ne peut être l'otage d'un processus plébiscitaire », dénonce aussi Delphine Batho, présidente de Génération Écologie. « L'écologie sera la grande perdante, car le seul débat sera "pour ou contre Emmanuel Macron". Cette manoeuvre est irresponsable et revient à jouer la lutte contre le réchauffement climatique à la roulette russe », estime l'ancienne ministre de l'Environnement.
Des jokers confirmés
D'autres accueillent favorablement cette annonce du chef de l'État. « La réforme de l'article premier de la Constitution est utile », affirme Matthieu Orphelin, député non inscrit. « Mais ira-t-elle au bout ? », interroge aussi ce proche de Nicolas Hulot, pour qui cette annonce ne saurait occulter le manque d'ambition sur le reste des sujets. « Alors qu'il avait lui-même mandaté la Convention pour réduire de 40 % les émissions d'ici 2030 et que le nouvel objectif européen de - 55% nous enjoint de relever encore l'ambition et l'action, la quasi-totalité des mesures phares de la Convention ont été rejetées par le président de la République », déplore le député. Celui-ci salue en revanche la décision de créer des chèques alimentaires pour les plus démunis.
« Des jokers ont été confirmés, tel le décalage de 2025 à 2030 de l'interdiction de vente des voitures les plus polluantes, et des mesures reportées comme l'obligation de rénovation globale des logements pour laquelle une nouvelle concertation de trois mois a été annoncée », déplore en outre Anne Bringault, coordinatrice des opérations au Réseau Action Climat (RAC). Une liste à laquelle Attac ajoute le refus de renégocier le Ceta ou la fin de non-recevoir adressée à la demande de moratoire sur la 5G et sur la construction de nouveaux entrepôts de e-commerce.
De son côté, l'Élysée vante les mesures déjà prises pour mettre en œuvre la « réforme organique » sur le climat : soutien au fret ferroviaire, restructuration du réseau aérien domestique ou encore lutte contre l'artificialisation des sols. Mais le château rappelle aussi « deux contraintes fortes » mise en avant par Emmanuel Macron pendant la rencontre : l'acceptabilité des mesures par tous les Français, d'une part, la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales, d'autre part.