La filière française du gaz peut presque doubler ses effectifs, si elle mise davantage sur les gaz verts d'ici à 2030. Tel est le message de l'étude prospective (1) menée par l'Opérateur des compétences interindustrielles (Opco 2i) du ministère du Travail, dans le cadre de l'engagement de développement de l'emploi et des compétences (Edec) signé par la filière en septembre 2021. Parue en mai dernier, cette étude se présente à la fois comme un état des lieux de l'emploi dans la filière du gaz et de la chaleur (hors GNL, gaz naturel et GPL) et comme une estimation de son potentiel futur en fonction de trois scénarios prospectifs.
L'Opco 2i recense ainsi 231 400 salariés répartis sur 62 métiers au sein de la filière à la fin de l'année 2021. L'essentiel d'entre eux – dont seulement 18 % sont des femmes – exercent en Île-de-France (26 %) ou en Auvergne-Rhône-Alpes (12 %), au sein de TPE ou de PME (58 % des effectifs). Parmi les cinq maillons de la chaîne de valeur, 77 % des emplois (179 000) concernent l'installation d'équipements chez les particuliers ou l'exploitation et la maintenance de centrales et de sites d'avitaillement. Seulement 4 % des effectifs (9 800) de la filière s'attachent à la production nationale de gaz ou de chaleur, qui, en France, se concentre uniquement sur le biométhane et l'hydrogène. « Le maillon production compte encore peu de salariés en raison du poids relatif des importations de gaz naturel, énonce l'Opco 2i dans son rapport. C'est cependant sur ce maillon que se concentre une grande partie des emplois de demain, en lien avec le développement des solutions vertes et décarbonés. »
Les gaz verts, moteurs d'emplois ?
Dans son scénario « une conversion en gris-vert », l'Opco 2i imagine le futur de la filière où la concurrence rude du « tout électrique », notamment par le secteur nucléaire, ralentit la progression des gaz verts et l'émancipation de la France aux importations. Si ces dernières se réduisent de 15 %, la France continue d'importer du gaz naturel et se met même à se fournir en biogaz chez ses voisins. En conséquence, « les débouchés [dans la production de gaz verts] restent encore expérimentaux, parfois par manque de capitaux ou de profils adéquats », et entraînent une augmentation de seulement 30 000 postes d'ici à 2030.
À l'inverse, avec son scénario idéal « accélération verte », l'Opco 2i prévoit un quasi-doublement des effectifs (401 000 au total), avec une multiplication par onze des postes en production et une réduction de 30 % des importations. « Reconnu pour sa flexibilité de stockage et son rôle de soutien à la production d'électricité, le gaz est utilisé comme énergie de transition énergétique, avancent les auteurs du rapport. L'État et les collectivités portent une politique d'indépendance énergétique qui mise sur le gaz vert et renouvelable, ce qui attire les financements. »
Gagner en visibilité pour mieux former
Pour faire de cet avenir optimal une réalité, la filière doit cependant relever un défi majeur : son attractivité. « La filière présente de forts besoins de recrutement à l'horizon 2030, mais doit faire face à un vieillissement des effectifs et à des tensions déjà très fortes sur certains métiers », dont les techniciens de maintenance et les automaticiens que convoitent également d'autres secteurs. S'agissant de l'enjeu de vieillissement de la pyramide des âges, l'Opco 2i estime que 13 % des salariés recensés ont déjà plus de 55 ans en 2021. Pour contrer la vague de départs à la retraite qui s'annonce, le rapport met l'accent sur l'importance de la formation malgré une « offre pléthorique qui manque de lisibilité et ne répond que partiellement aux besoins des entreprises » à l'heure actuelle.
En s'appuyant sur ce rapport, les acteurs de la branche signataires de l'Edec s'engagent désormais à participer, d'une part, à la création d'un « job-board » sous la forme d'un « portail digital permettant une visualisation territoriale de l'ensemble des emplois, des acteurs et des dispositifs de formation ». Ce dispositif s'accompagnera, d'autre part, de la mise en place « d'actions pilotes et territoriales » centrées sur la formation, le recrutement (2) et l'attractivité des métiers de la filière.