Ce mardi 5 novembre, V pour Verdict a présenté une action collective (1) contre Renault. Portée par l'avocat Elias Bourran, la procédure vise à obtenir une indemnisation de la part de Renault, pour les particuliers qui ont acquis des modèles de la marque classés parmi les plus polluants lors des tests réalisés par les pouvoirs publics dans le cadre du dieselgate. En cas d'échec, une plainte avec constitution de partie civile pourrait être déposée. Les plaignants seraient alors associés à l'enquête lancée en 2017.
40 % de la valeur neuve
En janvier 2017, le parquet de Paris ouvrait une information judiciaire pour tromperie à l'encontre du groupe Renault. La justice s'intéresse aux émissions polluantes de certains véhicules commercialisés par la marque au losange. Elle cherche à établir si les niveaux d'émissions polluantes des véhicules incriminés sont conformes à la réglementation en vigueur et si la commercialisation de ces voitures n'est pas dangereuse pour la santé. De son côté, l'entreprise se défend en expliquant qu'elle respecte la législation et la réglementation et que ses véhicules ont été homologués conformément à celles-ci, sans recourir à des logiciels frauduleux.
Dorénavant, c'est au tour des particuliers de prendre part à cette action judiciaire. L'objectif est que « les citoyens mettent les constructeurs devant leurs responsabilités », explique Anne Lassman-Trappier de France Nature Environnement (FNE). Pour cela, V pour Verdict entend réunir, d'ici début décembre, des propriétaires de véhicules Renault pour engager une action collective contre le constructeur français. Elias Bourran, l'avocat en charge du dossier, privilégie « une approche transactionnelle » et compte demander une indemnisation, à hauteur de 40 % du prix du véhicule neuf. Mais si les négociations n'aboutissent pas, les signataires de la demande se constitueront partie civile et s'associeront à la procédure pénale en cours. Les plaignants pourraient alors être indemnisés, si l'entreprise était condamnée.
Deux infractions pourraient être opposées à Renault. La première est la tromperie aggravée sur l'origine ou les qualités substantielles d'une marchandise. Fait aggravant, les produits, compte tenu de la pollution émise, ont été rendus dangereux pour la santé humaine, fait valoir Elias Bourran. La seconde est une pratique commerciale trompeuse sur la nature et les caractéristiques essentielles du bien. En effet, les véhicules vendus ne respectaient pas les seuils règlementaires, avance l'avocat. En l'occurrence, le cœur du problème est de savoir si les dispositifs anti-pollution des véhicules constituaient une tromperie, ou non. Le premier, une vanne censée éliminer 85 % des oxydes d'azote (NOx) en sortie de moteur, « ne fonctionne qu'entre 17°C et 35°C ». Elle est active durant les tests, mais pas dans certaines conditions météorologiques. Le second dispositif est le piège à NOx qui ne fonctionne pas en-dessous de 50 km/h, soit sur les trajets en ville.
Optimisation ou fraude ?
Pour rappel, en septembre 2015, éclatait le scandale du dieselgate : Volkswagen était alors accusé d'avoir équipé certains de ses modèles diesel vendus aux États-Unis d'un dispositif anti-pollution ne s'activant que lors des phases de tests. Rapidement il est apparu que certains constructeurs utilisaient des failles dans la règlementation pour faire homologuer des véhicules qui ne respectaient pas les normes d'émissions polluantes en conditions réelles de conduite. En réaction, Ségolène Royal, alors ministre de l'Écologie, lançait en urgence un test national : des voitures prélevées au hasard sur le marché automobile français allaient être testées en conditions réelles sur route.
En août 2016, la polémique prenait une nouvelle tournure lorsque le Financial Times accusait l'État de couvrir Renault. Le compte rendu des tests aurait passé sous silence certains constats. En particulier, le document ne signale pas que les tests auraient mis à jour que le dispositif de piégeage et de stockage des NOx fonctionne en condition de test d'homologation mais pas sur route. Devant les députés européens, la ministre a défendu le constructeur français : les voitures Renault sont bien équipées d'un logiciel qui coupe le dispositif anti-pollution, mais il s'agit « d'une optimisation comme ils [les constructeurs, ndlr] disent pudiquement ».
Fin 2016, à l'issue de sa propre enquête menée en parallèle, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) transmettait ses conclusions à la justice. La DGCCRF avait notamment perquisitionné le siège social, le Centre technique et le Technocentre de Renault.