La dépendance énergétique de nos économies
Nos économies sont en effet fortement dépendantes du secteur énergétique. Le pétrole, a lui seul, alimente 36 % de l'économie mondiale. Et la tendance n'est pas prête à s'inverser. La demande énergétique ne cesse de croître dans les pays industrialisés et les pays émergents, en se développant, ont également des besoins énergétiques croissants. Si jusqu'à présent, les pays de l'OCDE dominaient la consommation mondiale (60 %), en 2030 ils ne consommeront plus que 47 % de la production énergétique mondiale. La Chine et l'Inde verront leurs demandes énergétiques augmenter fortement. Non sans impact sur l'environnement… Les scenarii prévisionnels « business as usual » estiment les émissions de GES au niveau mondial à 42 Gt CO2 en 2030 contre 27 Gt CO2 aujourd'hui.
Les systèmes actuels reposent essentiellement sur 3 ressources énergétiques fossiles : le gaz naturel (22 %), le pétrole (36 %) et le charbon (25 %). Trois ressources largement émettrices de GES même si, selon les technologies employées, la contribution aux GES est plus ou moins élevée. Selon une étude du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA) réalisée en 2006, le charbon émettrait directement 341 gCO2/kWh contre 270 pour le fioul domestique et 205 pour le gaz naturel. En incluant l'analyse du cycle de vie (production, transport, utilisation…), les chiffres évoluent légèrement : le charbon émet 384 gCO2/kWh contre 300 pour le fioul domestique et 231 pour le gaz naturel. La France, grâce à son parc de production électrique nucléaire (79 % de l'électricité produite), se distingue dans ses émissions de GES. L'électricité française émet 60 gCO2/kWh contre 370 pour la moyenne européenne. La France affiche de ce fait 6,2 tCO2/hbt émis contre 8,4 au niveau européen.
Des taux qui restent néanmoins largement au-delà des recommandations de la communauté scientifique… Le dernier rapport du GIEC recommande une réduction des émissions de GES comprise entre 25 et 40 % d'ici 2020. Pour parvenir à cet objectif, les pays doivent impérativement diversifier leurs ressources énergétiques, maîtriser leurs dépenses énergétiques et parvenir à des économies moins carbonées.
Économies moins carbonées…
Une cible réalisable sur le plan technologique, à condition d'y mettre les moyens… Si une transition brutale des énergies carbonées aux énergies non carbonées n'est pas envisageable, la diversification des mix énergétiques s'impose. En développant les énergies renouvelables, une production énergétique à plus faible contenu carbone est possible. L'Union européenne table sur 20% d'énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie d'ici 2020 afin de réduire de 20 % les émissions de GES par rapport au niveau des émissions en 1990.
Autre piste d'action : la maîtrise de l'énergie. La Paquet Energie Climat européen porte à 20 % l'augmentation de l'efficacité énergétique d'ici 2020.
Pour optimiser l'efficacité énergétique, il faut une rupture technologique. Il n'y a pas d'impossibilité de ce côté-là. La plupart des technologies sont connues mais il y a un problème de déploiement, explique Alain Grandjean, économiste, membre du Comité stratégique de la Fondation Nicolas Hulot*.
Tout d'abord au niveau de l'énergie elle-même : produire l'énergie dans des usines nouvelles générations plus performantes, utiliser la cogénération, améliorer l'efficacité du matériel de distribution (chaudières à condensation, couplages énergie renouvelable – énergie fossile…)…
Mais aussi en agissant sur les secteurs fortement générateurs de GES : l'industrie, le transport et l'habitat. Si globalement, ces secteurs ont sensiblement amélioré leur efficacité énergétique, l'effort a été annulé par l'évolution des modes de vie (augmentation du nombre de véhicules en circulation, logements plus grands…). Aujourd'hui, les solutions technologiques sont disponibles pour aller plus loin mais nécessitent une impulsion politique forte pour être développées.
L'AIE [NDLR : Agence Internationale de l'Energie] a estimé à 20 milliards de dollars l'investissement nécessaire dans les 20 prochaines années, explique Jean Marie Chevalier. Un chiffre qui perd de son ampleur quand on le compare aux estimations de Sir Nicolas Stern dans son rapport éponyme : le coût du réchauffement climatique s'élèverait à 5.500 milliards d'euros… Et attendre alourdira considérablement la facture selon l'économiste.
Pour inciter les grands consommateurs d'énergie à réduire leurs émissions, l'une des solutions consiste à donner un coût au carbone. L'Europe a montré l'exemple avec son marché de permis d'émissions. Dans le meilleur des cas, l'après Kyoto pourrait donner naissance à un marché plus vaste du carbone. Les discussions internationales suivent leur cours.
* Jean-Marie Chevalier et Alain Grandjean intervenaient, le 20 mai, lors d'une conférence sur le couple énergie environnement dans le cadre d'un séminaire Développement durable et économie de l'environnement, organisé par la chaire Développement durable de l'Ecole polytechnique - EDF et par l'Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales).