En 1992, la situation économique était très différente d'aujourd'hui : le Mur de Berlin était tombé, les perspectives de croissance et les marges budgétaires existaient encore. ''Sur le plan géopolitique, Chine, Inde et Brésil n'étaient pas vus comme des compétiteurs dans la Pax americana'', rappelle Brice Lalonde, nommé coordinateur exécutif de Rio+20 par le secrétaire général des Nations unies depuis le 3 décembre 2010. Ces pays ayant « émergé » depuis dans les négociations climatiques, ils mettent l'accent sur le développement, parent pauvre des grandes négociations onusiennes.
Les grands principes du développement durable ayant été définis il y a vingt ans, c'est la mise en œuvre qui importe. Comment ? Par l'économie verte, qui, selon Brice Lalonde, sera, avec le développement, pivot de la conférence de Rio+20. La Chine et Brésil s'en font les hérauts, tout en restant dans leur rôle traditionnel de porte-parole du G77 et des pays pauvres reconduisant les clivages nord-sud traditionnels.
Feuille de route ou déclaration : plusieurs pistes
Deux voies s'ouvrent à Rio+20, selon M. Lalonde : ''Soit une négociation intégrale classique à partir de février 2012, sur la base de soumissions adressées avant le 1er novembre à l'ONU : ce serait une négociation zéro draft, préfigurant une déclaration finale. Soit une négociation inspirée par la société civile : villes, territoires, entreprises, scientifiques, associations… L'objectif étant de produire un texte unitaire, qui peut comprendre des annexes. Y'aura-t-il de nouveaux principes, comme le principe de non régression du droit ? A ce stade, on ne peut l'affirmer''.
Ce qui ressort, ce sont les « goals » (objectifs ), puisque les Objectifs du Millénaire sont censés être révisés en 2015. L'énergie figure parmi les thèmes favoris, dont Ban Ki Moon, le secrétaire général des Nations unies, a annoncé les objectifs à Oslo la semaine dernière : accès universel à l'énergie, réduction de moitié de l'intensité énergétique en 2030 et doublement de la part des renouvelables dans le mix mondial d'ici là. ''La sécurité alimentaire, dans un monde qui comptera un milliard d'habitants de plus en 2030, sera au cœur de l'agenda'', souligne M. Lalonde. La gestion des villes, l'avenir des océans, la gestion des situations post-catastrophiques du type post-tsunami, figurent parmi les autres objectifs prioritaires. La déclinaison de ces objectifs donnera lieu à des plans d'actions, comme cela avait déjà été le cas à Johannesburg il y a dix ans. ''Reste à définir la boîte à outils, la feuille de route. Par exemple, un plan d'efficacité énergétique en 2015'', explique M. Lalonde.
L'ambition est aussi de monter des plates-formes collaboratives, au-delà des partenariats public-privé lancés à Johannesburg, pour soutenir à long terme des projets de développement et mobiliser de nouveaux investisseurs, sur fond de disette budgétaire des Nations unies. On attend beaucoup des mécanismes financiers innovants, taxe sur les transactions financières en tête, devenue une proposition de plus en plus partagée depuis son lancement, il y a douze ans, par les altermondialistes.
Réforme institutionnelle
Autre piste de réforme, celle des institutions environnementales. Le G20 va-t-il prendre la place des Nations unies ? L'heure est plutôt à la nécessité de ''faire émerger des institutions qui peuvent défendre la planète, souligne M. Lalonde. L'idée serait de créer un pôle de développement durable plus efficace à l'ONU et de renforcer le pilier environnemental, en faisant du Programme des Nations unies pour l'environnement une agence de plein exercice. Sur le modèle du Conseil des droits de l'Homme, un Conseil des Nations unies pour le développement durable donnerait de la visibilité à ces enjeux'', précise le coordinateur de Rio+20. Quant à la proposition française de lancer une Organisation mondiale de l'environnement, elle gagne des soutiens au sein de l'Union européenne, mais aussi auprès de la Corée du Sud et de la Malaisie.
Au Brésil, la société civile est déjà très mobilisée. Lula, président du Brésil à l'époque, avait engagé des objectifs ambitieux de réduction de la déforestation à l'issue du sommet de Copenhague en décembre 2009. La loi forestière actuellement en discussion risque de mettre à mal cet objectif, sous les assauts de la corporation des éleveurs de bétail. Première puissance agricole mondiale, le Brésil est partagé entre des objectifs contradictoires, sur fond d'affaires de corruption : sauver ses forêts et la planète à Rio + 20, ou bien rester leader du marché de la viande avec sa marque phare acquise en 2010, Burger King.
Dans cette nouvelle négociation, les Etats-Unis auront peu de marge de manœuvre en raison du jeu électoral qui oppose l'administration Obama aux Républicains. Mais, forts de nombreuses fondations très actives, ils cherchent à se rendre utiles, en prenant la tête d'initiatives telles que l'alliance pour les réchauds améliorés, la cuisson des aliments étant un enjeu de santé publique dans nombre de pays africains.
A ce stade, on ignore quels chefs d'Etat seront présents à Rio, qui ne sera peut-être qu'une conférence de plus, sinon un sommet politique mondial.