"L'exploitation du gaz de couche dans le Nord-Pas-de-Calais permettrait à la région de disposer d'une source d'énergie couvrant jusqu'à 10 ou 12% de ses besoins en gaz, et ce pour les 25 années à venir". Telle est l'une des principales conclusions du rapport de la mission d'enquête "gaz de houille" dans le Nord-Pas-de-Calais, rendu public le 18 février.
Le document de 64 pages a été rédigé dans le cadre des travaux de la conférence permanente du Schéma régional de développement économique (SRDE) (1) , alors que la société European Gas Limited (EGL) a déposé quatre demandes de travaux miniers.
A noter que, fin janvier, les élus d'Europe Ecologie Les Verts (EELV) se sont retirés de la mission. "Le parti pris de la mission d'enquête présidée par M. Bertrand Péricaud (PC) (…) nuit aux échanges nécessaires sur les risques liés à l'exploitation du gaz de couche", considèrent les élus écologistes, ajoutant que "conflit d'intérêt des sociétés contactées, indépendance relative des experts, absence de transparence des analyses scientifiques… sont autant de freins à la qualité de l'enquête sur une potentielle exploitation du gaz de couche".
Un charbon naturellement perméable ?
Si le rapport rappelle que "le charbon est naturellement très fracturé", il précise que "toutefois, sa perméabilité, c'est-à-dire sa capacité à laisser circuler les fluides, peut être faible et il est alors nécessaire de procéder à des opérations de stimulations".
Néanmoins, il assure que "les techniques de fracturation hydraulique ou de stimulation (…) ne seront pas employées dans le Nord-Pas-de-Calais". Deux raisons appuient cette affirmation : l'interdiction de la technique en France et le contexte géologique du Nord-Pas-de-Calais qui ne l'impose pas, les veines de charbons étant déjà fracturées.
S'agissant du second point, le document précise que "le bassin [minier du Nord-Pas-de-Calais] ayant subi de fortes pressions tectoniques, les couches sont plus fines (épaisseur comprise entre 0,5 et 2 mètres) et les charbons très fracturés". L'argument, déjà avancé à l'occasion de l'audition publique organisée en avril par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) dans le cadre du rapport sur les alternatives à la fracturation hydraulique, n'avait pas convaincu Pierre Toulhoat, le directeur scientifique de l'Ineris, alorsmembre du comité scientifique pour ce rapport parlementaire.
Plus globalement, le document pointe l'absence de retour d'expérience sur les éventuels risques environnementaux et sanitaires. "La ressource du gaz de couche est assez récente dans le monde et encore nouvelle en France", explique le rapport qui juge que "les connaissances en la matière nécessiteraient d'être approfondies et confrontées à la situation de la région Nord-Pas-de-Calais". A ce stade, le document conclut que "bien que des risques technologiques, sanitaires et environnementaux aient été identifiés, ils ne sont pas rédhibitoires".
Des contrats d'approvisionnement locaux
S'agissant des réserves du Nord-Pas-de-Calais, le document rapporte que la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) du Nord-Pas-de-Calais évaluait, en juillet 2013, à 50 milliards de m3 la ressource en gaz de houille, soit 12 années de consommation régionale. Néanmoins, ces estimations mériteraient d'être précisées par une campagne d'exploration, selon la Dreal. Les premières phases en ce sens "[avaient] été lancées dans les années 1980/1990 et s'étaient alors avérées décevantes", poursuit le document.
Reste que, la synthèse du rapport affirme que l'exploitation du gaz de couche "permettrait" à la région de couvrir jusqu'à 10 ou 12% de ses besoins en gaz sur 25 ans. Une conclusion qui reprend au mot près l'objectif visé par EGL.
Quant à l'impact économique et social, le document évoque un investissement de 17 millions d'euros sur deux ans pour réaliser 5 forages ainsi que la création d'environ 150 emplois directs de terrain, 40 emplois directs de bureau et environ 300 emplois indirects.
Le rapport évoque aussi de possibles contrats d'approvisionnement à tarifs compétitifs pour les acteurs locaux. "EGL n'envisage pas de réinjecter le gaz au réseau au prix du marché, mais plutôt de privilégier un circuit court de réemploi du gaz par des industries locales ou des bailleurs sociaux", explique le rapport. Mais le document ne précise pas quelles seraient les contreparties, si EGL acceptait de vendre localement le gaz extrait à un prix moindre que celui proposé sur le marché. Selon le rapport, le prix de marché est de l'ordre de 0,26 euro par m3, pour des coûts opérationnels estimés à 0,11 euro par m3.