Le démarrage de l'EPR de Flamanville (Manche) pourrait être une nouvelle fois reporté de plusieurs mois, selon Thierry Charles, directeur général adjoint de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Dans un entretien publié le 30 mai par l'agence de presse Montel (1) , le responsable de l'Institut en charge de la sûreté nucléaire (IRSN) explique que "nous parlons clairement au moins de mois [de retard]". A ce stade, la durée exacte d'un éventuel retard reste à déterminer. Elle dépendra des conclusions de l'expertise de sûreté relative aux écarts de qualité dans la réalisation de soudures sur les tuyauteries du circuit secondaire principal de l'EPR détectés par EDF en mars dernier.
Pour l'instant, l'entreprise confirme qu'un nouveau retard "de quelques mois [fait] partie des hypothèses envisagées" et qu'elle "se met en situation de poursuivre l'exploitation des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim jusqu'à l'été 2019". Les échanges avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) "vont se poursuivre encore quelques semaines" et les conséquences sur le calendrier "seront précisées à cette échéance". En septembre 2015, EDF a annoncé qu'il planifiait la mise en service du réacteur nucléaire pour la fin de l'année 2018, soit un retard de six ans sur le calendrier initial. Depuis mars 2017, l'entreprise réalise les essais d'ensemble du réacteur.
De quelques mois à plus
En avril dernier, EDF annonçait la découverte de défauts sur certaines des soudures du circuit secondaire et la réalisation de contrôles additionnels sur l'ensemble des 150 soudures du circuit. L'entreprise devait ainsi identifier précisément celles qui présentent des écarts de qualité. Ces contrôles, qui devaient être réalisés d'ici fin mai, devaient ensuite donner lieu à une expertise pour identifier les causes et les conséquences en terme de sûreté. Les résultats de cette étude sont attendus pour la fin de l'année. EDF évoquait déjà en avril de possibles "ajustements" du planning de mise en service du réacteur. Pour l'instant, Thierry Charles se veut "très prudent ", car les défauts ne sont pas connus avec précision. De même, la réponse prévue par EDF n'est pas encore connue. Il est donc "difficile de mettre le curseur entre quelques mois et plus".
Mais l'interview accordée à Montel vient confirmer le probable report de mise en service de l'EPR qui se profilait depuis le début de l'année. Fin janvier, Pierre-Franck Chevet, président de l'ASN, expliquait déjà que le calendrier de mise en service était "tendu", car il dépendait de la date de remise par EDF des documents nécessaire à l'autorisation. En effet, l'Autorité a ensuite besoins de "quelques mois" pour rendre sa décision. Dorénavant, le risque de retards n'est plus uniquement "administratif". Si l'ASN impose des réparations le calendrier deviendrait probablement intenable : il faut 6 à 8 semaine pour refaire chacune des soudures potentiellement défectueuses. Sans compter que certaines soudures sont difficiles d'accès. Or, début avril, les premiers résultats montraient que sept des 20 soudures vérifiées étaient défectueuses.
Elargir les contrôles
Surtout, le nombre de défauts ne dit pas tout des problèmes de sûreté potentiel : "il n'est pas nécessaire d'avoir beaucoup de défauts pour avoir une grosse difficulté par rapport à une exigence de sûreté", explique Thierry Charles. Le nombre de défauts traduit une qualité de construction inadéquate. Et, face à ce constat, le responsable de la sûreté de l'IRSN estime nécessaire d'élargir les contrôles. Ce point de vue semble partagé par l'ASN. Interrogé en avril par les membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), Pierre-Franck Chevet a expliqué que l'Autorité qu'il préside "sera extraordinairement attachée à la qualité des essais [de l'EPR]". Il estime notamment que les défauts découverts sur les soudures du circuit secondaire illustrent un des points clé de la révision de la stratégie de contrôle entreprise par l'Autorité suite aux premier défauts découverts sur la cuve de l'EPR : le défaut de surveillance et de suivi des travaux sur le terrain.
Les problèmes pourraient donc s'accumuler pour le réacteur nucléaire. Doutant de la qualité des travaux réalisés par les sous-traitant d'EDF, l'Autorité de sûreté nucléaire a demandé d'étendre ses contrôles au-delà des 150 soudures du circuit secondaire. Pierre-Franck Chevet expliquait en avril qu'il voulait que toutes les soudures réalisées par les deux industriels en cause, Fives Nordon et Ponticelli, soient vérifiées pour s'assurer que des défauts n'aient pas échappé aux contrôles de fin de fabrication. En effet, l'ASN "ne comprend pas" comment les défauts n'ont pas été identifiés auparavant.