À l'occasion des conférences FEDERE organisées par Les Echos, Yannick Glemarec, Coordinateur exécutif du Programme de Nations Unies pour le Développement (PNUD) a rappelé l'urgence de la situation : pour limiter de 2°C le réchauffement global de la planète, il faut que nos émissions totales de CO2 pour le 21e siècle n'excédent pas 1.400 gigatonnes soit 14 Gt par an, or actuellement on en est déjà à 28 Gt par an. C'est la raison pour laquelle, dans le but de rester dans la fourchette des 450 ppm, il faut réduire de 50% les émissions de CO2 d'ici 2050. C'est quelque chose qui va devoir nous engager dans une transformation de société car on a aucune chance avec les schémas de production, les instruments financiers et les partenariats actuels, estime-t-il. Pour les entreprises, cette mutation va avoir des conséquences en matière de gouvernance et de risques. Le PNUD se veut confiant et assure qu'il y aura aussi des opportunités : comme nous parlons de mutation industrielle, des produits qui n'avaient pas beaucoup de chance par le passé vont pouvoir être très concurrentiels dans le futur, explique Yannick Glemarec.
Mais cette prise de conscience est loin d'être évidente et les coûts associés rebutent. Pour Emmanuel Faber, Directeur général délégué du Groupe Danone, il est clair qu'il y aura un prix à payer. À partir du moment où l'on raisonne à l'intérieur même d'un paradigme qui est que le profit mesure l'efficacité d'une entreprise (…) raisonner en termes de développement durable coûte de l'argent, explique-t-il. Pour Joël Karechi, Président de Philips France, le problème est ailleurs : c'est un problème d'investissement et non un problème de coût, estime-t-il. Réduire la consommation énergétique des produits, réduire les emballages, réduire les substances dangereuses, cela passe par des nouveaux développements, des investissements dans la recherche et développement, une nouvelle chaîne, décrit-il en exemple. Cela doit se traiter comme des investissements pour lesquels il y aura un retour même si on ne le voit pas forcément à très court terme.
Conscient de ces problèmes de coût, le PNUD met en œuvre des instruments financiers afin de faciliter les investissements et trouver de nouvelles sources de revenus à l'instar des quotas de CO2, des certificats d'économies d'énergies mais également des certificats de réduction d'émissions issus des mécanismes de développement propre (MDP). Ces outils ont pour objectif de rendre rentable les opérations de réduction d'émissions afin qu'elles puissent bénéficier des investissements nécessaires à leur réalisation. Selon le PNUD, les MDP par exemple ont réussi à mobiliser 5 milliards de dollars en 2006 et environ 11,3 milliards en 2007. D'ici 2010, ils devraient permettre l'investissement de 10 à 15 milliard de dollars et jusqu'à 125 milliards d'ici 2030. C'est quelque chose d'énorme, s'enthousiaste Yannick Glemarec.
Si Yannick Jadot reconnaît que les entreprises ne peuvent pas passer outre les questions de coût, le Directeur des campagnes Greenpeace estime toutefois qu'elles doivent être conscientes qu'elles ont une responsabilité indéniable à faire en sorte que leurs modes de production soient plus soucieux de l'environnement. Dans leur politique d'approvisionnement notamment, elles peuvent influer dans de nombreux domaines. Yannick Jadot cite en exemple les sociétés de cosmétiques qui choisissent d'incorporer dans leurs produits de l'huile de palme provenant d'Indonésie où la déforestation pour cette culture a des conséquences catastrophiques sur le bilan climatique. Pour Yannick Jadot, il ne faut pas seulement une évolution des pratiques mais un schéma de rupture qui permette d'atteindre les réductions d'émissions de CO2 de manière satisfaisante.
Emmanuel Faber de Danone évoque de son côté la possibilité de mettre en place une nouvelle façon de mesurer les résultats des entreprises. À l'heure actuelle le profit et le bilan des entreprises n'incluent en rien le coût de consommation des externalités, des ressources qui sont aujourd'hui gratuites comme l'eau, l'air, l'énergie, explique-t-il. Si on intégrait ce type d'informations, on arriverait à des bilans financiers qui n'ont rien à voir avec ceux qu'on a aujourd'hui, ajoute-t-il. La prise en compte d'indicateurs environnementaux et sociaux dans l'évaluation des profits des entreprises pourrait ainsi changer la donne. Économiser l'eau, l'énergie par exemple ne serait plus associé à un coût mais à des dépenses évitées à plus long terme. L'intégration des externalités environnementales a d'ailleurs débuté avec la finance carbone et la mise en place du système d'échange de quotas. Elle pourrait à terme s'élargir à d'autres impacts environnementaux et sociaux.