Mercredi 8 décembre s'est tenue une table ronde particulièrement houleuse au sujet des perspectives des projets photovoltaïques agricoles. Organisé dans le cadre du colloque "agriculture, énergies renouvelables et compétitivité" de la Fédération nationale des syndicats des exploitants agricoles (FNSEA), des Jeunes agriculteurs (JA) et de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), le débat a mis en évidence les critiques faites au moratoire imposé aux projets en attente de raccordement.
À la veille de la réunion de concertation organisée par le Conseil supérieur de l'énergie (CSE), le moratoire des raccordements des centrales photovoltaïques a été au cœur des sujets et a éclipsé en partie la problématique agricole. Si de nombreux témoignages ont rejeté fermement les accusations d'utilisation spéculative du photovoltaïque par les exploitants agricoles, les débats se sont avant tout concentrés sur la remise à plat de la stratégie photovoltaïque française.
Un moratoire qui ne satisfait personne
L'objectif de l'Etat est de privilégier "une croissance raisonnée et durable du photovoltaïque pour constituer un parc qui soit financièrement soutenable", rappelle Alexandre Siné, un inspecteur des finances du ministère de l'économie ayant participé à la rédaction du rapport Charpin, ajoutant qu'au rythme actuel, "on aboutit à un surcoût de 3 milliards d'euros par an." En effet, "nous sommes sur le point de réaliser en quelques mois l'objectif fixé pour la décennie", déplore le haut fonctionnaire. "Il ne faut pas dire ça, c'est faux, c'est de la manipulation", lance depuis le public un représentant de la filière photovoltaïque française. Le débat est lancé…
S'agissant du moratoire, tout le monde s'accorde à dire qu'il n'est pas opportun. "C'est la pire solution, c'est un échec pour l'Etat, la filière et les utilisateurs", estime DamienMathon, secrétaire général du Syndicat des énergies renouvelables (SER), précisant que "maintenant il s'agit de dépassionner le débat." Quant à Pascal Ferey, président de la commission environnement de la FNSEA, il qualifie d' "abjecte" le moratoire. "Si on peut comprendre le fait qu'il faille clarifier la situation par rapport à la file d'attente des projets photovoltaïques, la forme n'est pas acceptable", précise le leader syndical, expliquant qu'on ne peut pas reprocher aux opérateurs d'avoir répondu aux attentes du gouvernement en matière de développement de la filière photovoltaïque.
"Les torts sont sans doute partagés et le régulateur doit à la filière une certaine visibilité", reconnaît l'inspecteur général des finances ajoutant néanmoins "que l'Etat est obligé de prendre des mesures pour concilier les différents objectifs."
Instabilité du contexte légal
Par ailleurs, le moratoire pose le problème des projets en cours qui ne seront peut-être pas représentés avec les nouvelles règles. "Qui va payer les 10.000 à 15.000 euros de frais qui ont déjà été engagés par ces projets ? ", s'inquiète Pascal Ferey. Pour Arnaud Gossement, "il y a un risque que cela finisse devant les tribunaux." Un point confirmé par le représentant du syndicat agricole : "nous allons aller devant les tribunaux parce qu'on ne peut par rompre des contrats qui ont été légalement engagés."
"Le droit est devenu fou : depuis le début de l'année, rien que pour les tarifs d'achat du photovoltaïque près de 15 textes sont parus !", critique l'avocat, ajoutant que "le summum est atteint avec le moratoire." Il juge en effet, que la suspension annoncée n'en est pas une puisque les règles changeront entre temps et qu'"en réalité le seul objectif est de purger la file d'attente."
Vers une file d'attente transparente ?
Tout le monde semble s'accorder sur un point : on devrait, et on pourrait, rendre transparente la file d'attente des projets photovoltaïques. Pour Arnaud Gossement, "une mesure simple serait de publier la liste des projets en cours de validation" afin de déterminer le sérieux des projets puisque "certains sont déposés pour des terrains qui n'appartiennent même pas au porteur de projet", rappelle l'avocat. Autre proposition, formulée par Damien Mathon, le dépôt d'une caution lors de l'inscription du projet dans la liste d'attente. "Lorsqu'on a un projet de plusieurs millions d'euros, on doit être capable de déposer une caution pour le crédibiliser", estime le représentant du SER.
Il juge par ailleurs, qu' "on a aujourd'hui une dernière chance pour
Le représentant de la FNSEA estime quant à lui qu' "il faut absolument se mettre d'accord sur la stratégie d'ensemble du développement du photovoltaïque" afin de fixer des objectifs pour le photovoltaïque au sol et pour le photovoltaïque intégré au bâti. Il rappelle à cette occasion l'opposition de la FNSEA à la création massive de centrales photovoltaïques au sol. "Il faut qu'on arrête cette pseudo démocratie qui consiste à vouloir en mettre un peu mais pas trop, tout en forçant le développement avec les appels à projet", explique-t-il, tout en ajoutant que "cela ne veut pas dire que la FNSEA soit farouchement opposée à tout projet." Pour le syndicaliste, il s'agit avant tout d'éviter que des terres agricoles soient transformées en centrales photovoltaïques.