A l'approche du sommet de Copenhague, les discussions vont bon train pour préparer la stratégie à adopter. Réunis début septembre à Addis-Abeba (Ethiopie), les pays africains ont radicalisé leur position, promettant du quitter les négociations en cas de désaccord. Les 9 et 10 octobre prochain, la session Afrique du 7ème forum mondial du développement durable réunira de nombreux pays africains à Ouagadougou (Burkina Faso) autour des questions de changement climatique. L'occasion de préparer l'échéance de Copenhague et de se retrouver autour d'une position commune, ce qui n'est pas vraiment le cas aujourd'hui.
Victimes et non responsables du changement climatique
Le continent africain compte bien le marteler : les pays industrialisés sont les principaux responsables du changement climatique, ils doivent prendre leur responsabilité face à ses conséquences.
Dans son rapport annuel, la Banque mondiale a indiqué que les pays à revenus élevés, responsables de 64 % des émissions de gaz à effet de serre depuis 1850, n'en supporteront les conséquences qu'à hauteur de 20 %. Les pays en voie de développement, à l'origine de 2 % de ces émissions, en paieront les frais à hauteur de 80 %.
L'Afrique est d'ores et déjà touchée par le changement climatique, et les différents scenarii prévoient une aggravation de la situation dans les décennies à venir. Je viens d'un pays sahélien où l'on peut se rendre compte du changement du climat depuis 20 à 30 ans : les saisons sont irrégulières, les pluies deviennent capricieuses, les températures sont à la hausse, explique Beyon Adolphe Tiao, ambassadeur du Burkina Faso en France.
Le continent, qui a le plus faible taux d'émissions par habitant, subira plus que tout autre l'impact du changement climatique. Les projections montrent que d'ici 2020, dans certains pays, les rendements de l'agriculture pourraient être réduits de près de 50 %. Entre 75 et 250 millions de personnes pourraient être exposées à un stress hydrique accru. La désertification et la perte des terres agricoles menacent environ 46 % de la superficie totale du continent africain.
Selon la Banque mondiale, une augmentation de 2 degrés de la température d'ici la fin du siècle mettrait entre 100 et 400 millions de personnes supplémentaires en danger de famine, et 1 à 2 milliard d'autres pourraient ne plus trouver suffisamment d'eau pour subvenir à leurs besoins.
L'institution chiffre à 325 milliards d'euros les besoins des pays développés pour faire face au réchauffement climatique d'ici 2030, alors que seulement 5% de ce montant est disponible aujourd'hui.
Une réparation exigée
Forts de ces données, les pays africains comptent bien faire peser leur voix dans les négociations de Copenhague. Les pays du Nord portent une responsabilité sur la situation actuelle. Ils doivent en priorité agir eux-mêmes sur leurs propres modes de production et de consommation, mais ils ont également la responsabilité d'apporter un appui consistant aux pays en développement, qui seront les premiers touchés par les dérèglements climatiques, note Pierre André Wiltzer, ancien ministre et président du conseil d'administration de l'Agence française du développement (AFD).
La question du financement de l'adaptation au changement climatique constitue donc une priorité pour le continent africain. Nous souhaitons une compensation car nous subissons les choix des pays industrialisés, explique Beyon Adolphe Tiao.
L'Afrique demande également aux pays développés de fixer des objectifs ambitieux pour réduire leurs émissions d'ici à 2020.
Quel montant ?
S'ils demandent réparation, les pays africains n'ont pas encore fixé le montant exact des compensations qu'ils exigent des pays industrialisés. Il y a en Afrique un besoin évident d'outils financiers pour évaluer les problèmes qui s'y posent. Qui va décider de la compensation ? Une institution internationale où l'Afrique a une voix mineure ? s'interroge Emile Malet, délégué général du Forum mondial du développement durable. En outre, il ne faut pas limiter le débat au montant de la compensation mais réfléchir aux moyens d'adaptation. Un sentiment partagé par Brice Lalonde : certains des pays les plus pauvres sont persuadés que les pays riches veulent l'accord à tout prix. Mais si vous dites aux pays riches, « vous n'avez qu'à payer et transférer vos techniques gratuitement sans savoir comment on va dépenser l'argent », il est sûr qu'il n'y aura pas d'accord, a déclaré le négociateur français dans Le Monde du 4 septembre.
En attendant, les pays africains doivent renforcer leur position : nous devons arriver à Copenhague avec une position commune. Nous n'avons pas su adapter de position claire aux derniers sommets. Aujourd'hui, nous n'avons pas forcément tous les mêmes revendications. Nous devons nous poser la question des priorités, estime Beyon Adolphe Tiao.
À Addis-Abeba, le Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, a été nommé par les participants porte-parole de la position africaine commune pour les négociations.