L'Ademe a déjà pointé du doigt l'importance de la disponibilité des pièces détachées et de leur coût pour le développement de la réparation. Avec son nouveau rapport (1) , elle reprend le sujet en se penchant plus particulièrement sur les six filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) dotées d'un fonds réparation (2) . L'idée, cette fois-ci, est de passer en revue les réglementations applicables, d'établir un état des lieux des marchés des pièces détachées et d'identifier les freins et leviers de chaque filière. Surtout, cette nouvelle étude fait un focus sur les pièces de réemploi, notamment à partir du retour d'expérience de la filière automobile. L'Ademe confirme que les pièces issues de l'économie circulaire (Piec) sont une alternative utile lorsque la réparation est peu développée. Mais il faudra réunir des conditions favorables pour que les bénéfices attendus se matérialisent.
Dans les grandes lignes, le rapport met en lumière de grandes différences entre les filières. Sans surprise, l'automobile et les équipements électriques et électroniques (EEE) pointent en tête, alors que les jouets et les articles de bricolage et de jardin (hors équipements thermiques) sont à la traine. Les freins communs aux filières étudiées sont bien connus : le prix des pièces neuves, leur disponibilité, leur accessibilité et « la persistance de certains verrous liés aux pratiques des fabricants en dépit de réglementations visant à protéger le droit à la réparation ».
Renforcer les réglementations
Comment y remédier ? Pour contenir le prix des pièces détachées neuves, l'Ademe suggère (parmi de nombreuses autres mesures) d'encadrer réglementairement les hausses de prix des pièces détachées ou de plafonner les prix à un certain seuil du prix du produit neuf. Il est aussi possible d'étendre le ratio-prix de l'indice de réparabilité à un plus grand nombre de pièces et de l'utiliser pour le calcul des bonus et malus. Autre mesure proposée : favoriser l'emploi de pièces génériques.
Pas d'offre structurée pour les Piec
Le point le plus innovant du rapport concerne le recours à des pièces issues de l'économie circulaire. L'Ademe explique que « peu de filières présentent aujourd'hui les conditions suffisantes au développement d'une offre structurée de pièces de réparation issues de l'économie circulaire, en dépit d'une réglementation qui a le mérite d'exister et contribue à pousser les acteurs à s'engager dans ce sens ». Pour y remédier, il faudra « du temps et de fortes mesures incitatives des pouvoirs et des éco-organismes concernés ».
Surtout, le rapport identifie six conditions pour assurer ce développement. La première, et la plus importante, est la demande en réparation ou en autoréparation avec changement de pièces. Et l'Ademe de prendre en exemple la filière des jouets dans laquelle « l'offre de réparation est quasi inexistante ».
Assurer la disponibilité de Piec de bonne qualité
Il faut ensuite que l'accès aux pièces détachées neuves à un coût raisonnable soit difficile. Dans ces circonstances, les pièces d'occasion constituent une alternative qui, en retour, permettrait de baisser les coûts globaux de réparation. Pour accompagner le mouvement, le rapport estime qu'il faut donner confiance aux consommateurs. Il suggère deux mesures : créer un label national et un marquage « Piec préparées en France » et structurer la logistique.
Troisième condition : assurer une offre suffisante pour offrir une alternative aux pièces neuves. Pour cela, il faut des gisements et un réseau d'acteurs pour démonter, contrôler, voire remettre en état, les pièces. Une proposition va dans ce sens : mettre en place une consigne sur les équipements contenant des batteries, des écrans, des chargeurs et des cartes électroniques, pour inciter les Français à se séparer de leurs produits en fin de vie.
Renforcer et sécuriser le marché des Piec
Le sujet du modèle économique du réemploi des pièces de seconde main pose aussi question, notamment à cause du coût de la main-d'œuvre. « Selon les acteurs interrogés, "produire" une Piec pour réparer un vélo par exemple revient souvent plus cher que d'utiliser une pièce neuve », explique l'Ademe. Pour y remédier, il faut cibler des produits à forte valeur économique et pour lesquels le prix des pièces détachées neuves est relativement élevé.
Sur le plan logistique, le rapport recommande de s'inspirer du secteur automobile qui s'est organisé pour assurer des délais de livraison satisfaisants. Le document explique que pour cela, il faut des plateformes nationales pour mutualiser les moyens et des outils de référencement garantissant l'accès aux Piec et leur compatibilité avec le produit à réparer. Mais cela n'est possible que « si les conditions précédentes sont déjà réunies ! », insiste l'Ademe.
La dernière recommandation concerne le contrôle et la reconnaissance de la qualité des Piec. Le secteur automobile, et dans une moindre mesure celui des EEE, offrent de bons exemples avec des certifications ou normes plus abouties. Or, aujourd'hui, « dans les six filières REP dotées d'un fonds réparation, n'importe quel acteur est autorisé à produire de la Piec à la condition de répondre aux exigences générales de sécurité ».