Il est vrai que le charbon présente des avantages économiques non négligeables. Les réserves mondiales sont encore très abondantes et mieux réparties à travers le monde que les autres sources fossiles. Elles représentent 63,7 % des réserves fossiles totales, contre 18,2 % pour le pétrole et 18,1 % pour le gaz. Face à la tension mondiale entre l'offre et la demande de pétrole, l'usage accru du charbon pourrait se révéler une stratégie intéressante pour les pays qui en détiennent des stocks importants comme les Etats-Unis (27% des réserves mondiales) et qui sont en plein développement comme la Chine (13% des réserves) ou l'Inde (10%).
Or une telle stratégie, sans modification technologique et réglementaire, serait très dommageable à la lutte contre le changement climatique. En effet, pour une même quantité d'énergie produite le charbon est la source d'énergie la plus émettrice de CO2. Alors que la part du charbon dans l'offre d'énergie primaire mondiale est de 24,4 %, contre 34,4 % pour le pétrole, sa part dans les émissions CO2 est presque identique (38,4 % pour le charbon contre 40,8% pour le pétrole).
Face à cette situation, le Délégué interministériel au développement durable français a mis en place un groupe de travail sur le charbon composé d'entreprises françaises, de consultants, d'administrations, d'organisations de recherches et d'ONG internationales afin d'évaluer la place future du charbon dans les politiques énergétiques mondiales et les conséquences pour les émissions de CO2.
Leur rapport publié en janvier 2006, propose quelques simulations sur l'usage du charbon et ses impacts aux horizons 2030 et 2050. Le postulat de départ se base sur les données de l'Agence Internationale de l'Energie selon laquelle la consommation du charbon devrait augmenter de 39% sur la période 2003-2030. Les évaluations des émissions de CO2 sont calculées selon trois scénarios. Un scénario de référence est comparé à deux scénarios d'évolution technologique : un basé sur les meilleures technologies propres disponibles actuellement et un second avec les meilleures technologies disponibles à l'avenir. Ces deux scénarios examinent l'impact de la mise en œuvre de procédés de combustion de charbon plus ou moins efficace dans les centrales de production d'électricité couplées ou non avec des technologies nouvelles de captation et de stockage du CO2.
Selon le scénario de référence (SR), si aucune technologie n'est utilisée d'ici 2030, les émissions mondiales de CO2 augmenteraient de 14 Gt pour atteindre 39 Gt soit 56% de plus par rapport à 2003. Plus précisément, les émissions de CO2 liées à la production d'électricité progresseront de 7,5 Gt (dont 4,8 Gt provenant du charbon) pour atteindre 16,9 Gt (+80%). Enfin, d'ici 2050, les émissions de CO2 liées à la production d'électricité feront plus que tripler (+21,1 Gt) dont 16,5 Gt provenant du charbon pour atteindre 30,5 Gt.
Selon le 1er scénario utilisant les « meilleures technologies propres disponibles », les émissions projetées de CO2 liées à la production d'électricité issue du charbon par rapport au SR seront limitées à 9,4 Gt en 2030 (soit -17% par rapport au SR) et à 16,4 Gt en 2050 (-29%).
Selon le 2e scénario utilisant les « meilleures technologies propres disponibles à l'avenir », les émissions projetées de CO2 liées à la production d'électricité issue du charbon par rapport au SR seront limitées à 8,4 Gt en 2030 (soit -26% par rapport au SR) et à 13,4 Gt en 2050 (-42%).
Un 3e scénario complétant le 2e, a été élaboré, basé sur le recours à la capture et au stockage de CO2 (CSC) et la substitution, par le nucléaire, de 50% de l'augmentation de la production d'électricité à partir du gaz sur la période 2003-2050. Les résultats de cette simulation montrent qu'il est possible de diminuer fortement les émissions de CO2 : -79% en 2050 par rapport au SR. Seul ce 3e scénario donne une baisse absolue des émissions de CO2 liées à la production d'électricité en 2050 par rapport à 2003 (-30,6%).
Ainsi pour le Délégué Interministériel au Développement Durable les conclusions sont simples : le recours au charbon ne pourra être compatible avec la maîtrise de l'effet de serre que si un saut technologique majeur est accompli pour réduire les émissions de GES, avec notamment des centrales à charbon vraiment propre, c'est-à-dire avec des systèmes de captation et de stockage du CO2.
L'usage à moyen terme du charbon doit être conditionné à la séquestration du CO2. L'Europe doit en conséquence, avec les autres grands pays du monde concernés, faire l'effort nécessaire de recherche en la matière et examiner les dispositifs permettant de rendre les centrales à charbon propre efficaces, ajoute-il.
Mais le rapport précise que généraliser l'usage du charbon avec peu ou aucune émission de CO2 ne dépend pas seulement de la mise au point de technologies. Il faudra aussi un cadre réglementaire mondial pour l'imposer aux opérateurs, compte tenu des surcoûts induits.
Ainsi le groupe de travail préconise que soit développée au préalable une réglementation relative au choix, à l'usage et à la surveillance des sites de stockages pour l'usage de ces technologies à très grande échelle. Cette réglementation devra être rigoureuse et précise.
Il rappelle cependant que la séquestration du carbone n'est pas la solution miracle qui permettra l'exploitation de centrales à charbon sans rejet de gaz à effet de serre. Elle ne dispense pas de progresser dans le management de la demande, l'efficacité énergétique et le développement d'un mix énergique. Ce n'est donc pas la solution unique mais elle apporterait une contribution significative. Même un pays non charbonnier comme la France aurait un rôle à y jouer.
D'ailleurs la France participe activement aux projets européens de recherche de capture et séquestration du carbone. L'Agence Nationale de la Recherche a lancé pendant l'été 2005 un appel à projets sur ce sujet. Les réponses sont en cours d'évaluation. Environ 10 millions d'euros de subventions devraient être prochainement accordés. La captation et le stockage du gaz carbonique sont également des priorités de l'Agence pour l'Innovation Industrielle. Sur cette base, et avec le soutien de tous les centres et agences publics en charge de R&D, le gouvernement souhaite le démarrage, sur le sol français, d'une installation expérimentale de captation et d'injection du CO2 mais aucune échéance n'est fixée.