Selon le communiqué du Conseil des ministres du 5 avril dernier, ce plan prévoit une augmentation d'environ 50 % de la production de chaleur et d'électricité à l'horizon 2010. Plus précisément, la contribution de la biomasse à la production d'énergie thermique sera portée de 10 à 14 millions de tep par an. Pour l'énergie électrique, une puissance supplémentaire de 1.000 mégawatts électrique sera produite grâce à la construction de biocentrales de cogénération. À cette fin, un nouvel appel d'offres pour une capacité de cogénération de 300 mégawatts électrique sera lancé avant l'été.
Dans la même lignée, un plan « biomatériaux » devrait voir le jour à la fin de l'année afin de développer l'utilisation des matériaux, produits et dérivés chimiques renouvelables issus de la biomasse dans les principaux marchés utilisateurs.
La France semble donc bien partie pour profiter au maximum de la filière biomasse, présentée souvent comme la filière qui réglera le problème des gaz à effet de serre, de la dépendance au pétrole et de la dévalorisation du monde rural. Mais tout n'est pas si simple. À travers les nombreux rapports ou au cours des colloques, forums et débats organisés sur le sujet, les avis divergent entre les différents acteurs.
Les experts et scientifiques ont du mal à s'accorder sur les chiffres que ce soit sur la surface agricole disponible ou nécessaire, sur l'éco-bilan des différentes utilisations ou sur les rendements énergétiques.
Les agriculteurs s'interrogent, se renseignent, mais la majorité restent sceptiques ou demandent plus de concret, sachant qu'on leur promet ces nouveaux débouchés pour dans 8 à 10 ans.
Les industriels agroalimentaires de leur côté prônent chacun leur filière et garantissent que tout est possible, rentable et nécessaire au nom de la menace climatique.
Quant aux associations de protection de l'environnement, leurs craintes se concentrent sur les risques d'intensification des cultures, d'exploitation intensive des forêts et surtout de mise au placard du concept d'économies d'énergie au profit d'une substitution pure et simple des carburants fossiles.
Pour Claude Roy, délégué interministériel sur la valorisation de la biomasse, la mutation qui s'annonce pour l'agriculture française, européenne et mondiale est de taille : produire, produire plus, produire de manière performante, tout en respectant les sols, les ressources en eau et le fragile équilibre de l'écosystème, le tout peut-être avec des climats changeants.
Avec ses trois plans de développement, la France souhaite mettre toutes les chances de son côté pour prendre une place de choix au plan international en n'omettant aucune filière (biocarburants, biocombustible et biomatériaux). Cependant c'est tout un marché de la biomasse ou « bio-économie » qu'il faut mettre en place, ce qui sous-entend le jeu de l'offre et de la demande. Pour Jacques Sturm, directeur général de l'AFOCEL, la demande ne va pas créer la ressource mais va conditionner la gestion de cette ressource. Et si cette demande devient trop importante, il craint un déséquilibre des filières et une concurrence entre le bois-énergie, les biomatériaux voire avec les besoins alimentaires.
Pour l'instant le problème ne se pose pas. Même si le plan Bois-énergie de l'ADEME a plutôt bien fonctionné ces dernières années, il faut encore convaincre les citoyens, les industriels et les collectivités d'utiliser des biocombustibles pour la production de chaleur. Pour Nicolas Garnier, délégué général d'AMORCE, certains obstacles perdurent et empêchent le développement du bois-énergie, particulièrement en mode collectif. La fiscalité est aujourd'hui en défaveur de la biomasse. La TVA pour un réseau de chaleur est de 19,6% alors que pour un réseau de gaz elle est de 5,5% !, dénonce-t-il. Pour les industriels, la crainte d'un approvisionnement non régulier les rend frileux. À ce sujet, Jacques Siret, président d'AGRICE, se veut rassurant : les agriculteurs peuvent tout à fait assurer un approvisionnement régulier en quantité et en qualité.
Du côté de l'ADEME, la vigilance est de mise. Michèle Pappalardo rappelle que la faiblesse de la filière bois-énergie réside dans le risque de rejeter de nombreux polluants comme les métaux ou les dioxines. Elle préconise donc une meilleure utilisation du bois et pas forcément une augmentation des volumes consommés.
Ainsi chaque acteur semble exprimer beaucoup d'attente envers la biomasse que ce soit pour des préoccupations sociales, économiques ou environnementales. Reste à espérer qu'un équilibre entre les intérêts de chacun puisse être trouvé. Ne serait-ce pas là, la définition du développement durable ?